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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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presque inacceptable.
    — Nous allons nettoyer la pelle et la houette pour qu’aucune tache de terre fraîche n’attire l’attention. Je dirai à quiconque m’interrogera que tu as emmené Griselda au château où un mire lui dispense des soins qui vont sans doute la sauver… J’ajouterai que tu veilles sur elle.
    — Oublies-tu que Sarah, Norah et Mary sont venues la voir et la savaient perdue. À ta place, je partirais. J’irais m’aposter tout près du pont-levis et j’attendrais le passage de ma cousine… juste pour lui demander : «  Oui ou non ? » C’est une chose simple, claire et sans danger.
    Shirton continuait à s’exprimer sagement.
    — Nous allons nous musser avec les chevaux derrière le château. J’ai fait le tour des murailles ; il y a un endroit, un seul, au Ponant, où elles sont aveugles et le donjon aussi… Nul ne pourra nous voir et, de plus, c’est notre droit de choisir une place hors de la fête et de nous recueillir avant le concours d’archerie… auquel nous n’irons pas, mais nous pouvons prétendre le contraire… Viens, prends la mue [183] de Tom, je me charge du reste.
    Une brume épaisse suintait du sol. Elle emmaillotait les branches et les rameaux comme une neige grise, impalpable. Le jour qui s’annonçait serait humide et froid.
    Shirton menait deux chevaux par la bride, Ogier son Noiraud. Ils allaient lentement vers le château, préférant au gravier indiscret du chemin le sol spongieux où les fers s’imprimaient sans bruit. Parfois, leurs semelles glissaient sur l’étoupe des herbes et des feuilles à l’odeur musquée. La brumasse emperlait toute chose. Ogier sentait sans trêve des grains glacés lui pendre au nez et pailleter sa barbe. Il regrettait d’avoir renoncé à crocheter la cage de Tom au pommeau de sa selle : l’anneau d’osier commençait à lui scier les doigts.
    — Tom a l’air résigné, Jack, dit-il péniblement. Crois-tu qu’il s’apercevra de sa… de son départ ?
    — Il dort… Le plus chanceux de nous tous, c’est lui.
    Ils regardaient, entre les fûts couleur de bronze, le gros château presque irréel comme une illusion née de leurs yeux las. Y avait-il eu, dans la nuit, une fête ? Tancrède y avait-elle été conviée avec Dartford ? Que faisait-elle maintenant ?
    Soudain, des corneilles s’envolèrent et tourbillonnèrent autour du donjon, craillant sans paraître vouloir s’interrompre. Élargissant, effilochant leur spirale, toutes se posèrent sur le toit de la tour portière, floraison noire, paisible comme une guirlande de deuil.
    — Ici, dit Shirton. Nous serons à l’aise sous ces chênes.
    Il lia la bride du Noiraud à un baliveau puis, feignant de se désintéresser de Tom, il s’occupa des autres chevaux. Parfois de gros soupirs accompagnaient ses gestes. Ogier prit dans son bissac un reste de viande crue qu’il y avait fourré afin de nourrir le balbuzard.
    — Demain, dit-il, je le délivrerai. Les archers ne songeront plus à prouver leurs mérites !… Cette viande est momée. Je la jette.
    — Puisque c’est ton idée…
    Ogier fut tenté de rabrouer Shirton pour un ressentiment aussi injuste. Cependant, toute brouille, même minime, eût été malvenue. Sans souci de la rosée, il s’assit au pied d’un arbre. Shirton, pensif, le rejoignit et feignit de dormir, les jambes repliées, la tête reposant sur ses avant-bras.
    — Si nous réussissons, Jack, il nous faudra tout de même rober un autre cheval… à moins que Tancrède ne s’entremette pour nous.
    Shirton grogna. Ce pouvait être une façon d’acquiescer. Les corneilles s’étaient tues ; la quiétude qui enveloppait Ashby semblait celle d’avant les batailles. On allait bientôt poser les cibles de paille au mitan du champ clos, et les archers se présenteraient six par six pour décocher six sagettes. Selon Shirton, ils étaient plus de cent. On leur avait assigné, afin qu’ils pussent s’exercer sans nuire à quiconque, une prairie de l’autre côté du village.
    — L’aube crève, Jack.
    Une longue tache rouge se boursouflait au Levant, teintant, dans son voisinage, de longs nuages onduleux pareils à des oriflammes.
    — Il nous faudra manger… Il nous reste un pâté, un morceau de pain… Mais n’aie crainte : j’ai conservé des esterlins… Élisabeth se passera de la cotardie que je lui avais promise… Laisse-moi dormir un peu…
    — Certes, je le ferai, mais regarde !
    Soulevant

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