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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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subjuguait.
    — Combien d’années sans se voir ?
    — Deux, cousine.
    — Seulement !
    — Ai-je donc tant changé, moi ?
    Elle regarda autour d’elle, évitant soigneusement Odile de Winslow. Puis elle se rengorgea, mais avec un effort si évident qu’il songea que, se sentant observée par quelques amis goddons, elle tenait à témoigner du mépris ou de l’arrogance envers ce Franklin qu’elle avait banni de sa vie.
    — J’ai hésité, cousin… oh ! juste un tantinet. Cet indigne bandeau accourcit ton visage.
    Que subsistait-il, chez elle, d’une affection entrelacée d’ardeurs et de froideurs inconcevables ? Les larmes qu’elle ne dissimulait pas avivaient la brillance de ses yeux bleu-vert. Souvent, il avait craint leur flamboiement sauvage ; il les avait comparés à ceux d’une chatte ou d’une tigresse, et c’était toujours le cas.
    — J’étais à Bordeaux, dit-elle d’une voix flûtée dont il fut ahuri. Je te raconterai… Maudit vent qui me fait pleurer !
    Les souffles drus rougissaient son petit nez aux ailes palpitantes, et sa bouche emperlée si magnifiquement, riait avec, aux commissures, le petit tremblement bien connu, annonciateur d’une malice point trop aiguë ou d’une moquerie savamment affilée. Il sentit l’aiguillon avant même qu’il ne l’eût atteint :
    — Comme tu as les paupières battues, soupira-t-elle en se reculant un peu pour le considérer avec cette ferveur épicée d’ironie dont elle avait été jadis si coutumière. Et comme tu es pâle !… Es-tu si éprouvé ?
    Souple et rapide, Odile s’approcha :
    — Il fut en grand danger…
    Ogier détacha son regard de Tancrède, croyant trouver sur le visage de l’Anglaise une expression d’ébahissement pour cette singulière rencontre. Or, la pucelle avait un air tout à la fois maussade et revêche. Il craignit qu’elle ne prononçât des mots désagréables. Il n’en fut rien :
    — La mort, dame, a épargné d’un cheveu messire votre parent… C’est ce que prétend Gauthier de Masny, son sauveur.
    — Adonques, beau cousin, tu faillis trépasser !… Si j’ai imaginé, de nous, quelque rencontre, jamais je n’ai pensé que ce serait de pareille façon. Sur l’Édouarde, au large de Calais !… Le dépit doit te ronger d’être ni plus ni moins qu’un otage, même si ta vaillance ne saurait être contestée… Même si ta gardienne est belle et charitable, dévouée comme une fiancée…
    Il acquiesça d’un mouvement de tête tandis que, les yeux mi-clos, il semblait que Tancrède jouissait moins de leurs retrouvailles que de l’état d’amoindrissement qui était le sien. Devers lui, elle avait toujours aimé se sentir forte. Eh bien, pour cette fois, le destin la comblait !
    Elle se releva et se tint solidement campée sur le pont, bien que la nef donnât de la bande. Alors, il s’étonna que pour un tel voyage – depuis Bordeaux – elle se fût si bellement accointée, elle qui n’appréciait que les vêtements d’homme.
    — Je t’ai quittée vêtue humblement, je te retrouve en princesse.
    Odile devinait, sans doute, qu’au lieu de distiller un compliment, il se bornait à constater un fait. Car Tancrède s’était apprêtée avec un soin tel qu’il semblait qu’à peine débarquée, une litière allait l’emporter à Westmouster, sinon chez quelque grand d’Angleterre.
    La robe convenant à sa taille élancée avait la simplicité d’une toge. Elle avait été coupée dans un cendal grenat, parfilé d’or, tissé en Flandre ou en Espagne. Une housse de velours cyclamen complétait ce vêtement, la housse, peu prisée des femmes de France, étant une espèce de dalmatique formée de deux larges bandes d’étoffe qui, partant du cou, retombait par-devant et par-derrière de façon à couvrir en partie, de face et de dos, le corps de celle qui la portait. Une ceinture de cordouannerie rouge, piquetée d’étoiles d’or, soulignait la minceur des hanches. Nul joyau ne parait les mains et les bras nus. Cette pureté d’une chair ambrée par le soleil devait susciter toutes les convoitises. Odile, elle-même, en paraissait troublée.
    — Étais-tu à Calais avec ceux de Gratot ?
    — J’y étais avec mes soudoyers, cousine. Ceux de Thierry également. Le roi Philippe, auquel il sauva la vie, l’a fait chevalier à Crécy.
    — Quand je suis allée à Gratot, tout y respirait la misère.
    — J’ai su ton passage. Tu venais de

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