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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Bretagne et, selon père, tu commandais à des routiers.
    — Petitement… Comment allait ton père lorsque tu l’as quitté ?
    — Petitement.
    — J’avais aussi trouvé ta sœur Aude fort belle.
    Toujours cet attrait irritant pour les filles. Elle n’avait pas changé !
    — Aude est devenue l’épouse de Thierry.
    — Ce rustique !
    — Il est chevalier, désormais. Ils doivent maintenant avoir un enfant. Moi aussi…
    — Tu es marié ?
    — Une Poitevine que j’ai connue l’an passé, aux joutes de Chauvigny.
    Il la vit aussitôt pâlir. Il s’y était attendu. Nul besoin de lui demander à qui elle songeait. Il n’osait trop la regarder sans que cette réticence-là fut le fait d’une inquiétude soudaine, mais la conséquence d’une culpabilité dont il s’était délecté.
    — Guy de Passac est mort au pardon d’armes de Chauvigny.
    — Je sais, cousine… Un chevalier au chef timbré d’un poing vermeil l’a buqué d’un coup terrible.
    Il avait tué l’amant de Tancrède avec une joie qui, maintenant, se justifiait encore. Par jalousie ? Il se rassura d’une dénégation : non, vraiment, ce coquin ne lui avait jamais porté le moindre ombrage. Il l’avait envié maigrement, parfois. Il avait meshaigné [22] un allié des Goddons, un traître au royaume. Mieux valait s’abstenir de divulguer ces faits.
    — Brune ou blonde, cousin, cette épouse…
    — Rousse.
    — Plus belle que moi ?
    Odile écoutait avec, dans le regard, un curieux mélange d’intérêt, de blâme et d’impatience.
    — Ce serait, cousine, aux miroirs de répondre.
    Un petit rire : la damoiselle de Winslow exprimait ainsi sa satisfaction. Tancrède lui jeta un coup d’œil courroucé – dont elle n’eut cure.
    — Elle a pour nom Blandine. Elle va… Non, cousine : elle a dû me donner un fils.
    — En apprenant cela, Anne serait contente.
    Décidément, Tancrède n’oubliait rien.
    — Anne avait rompu, choisi sa vie, son homme. N’as-tu pas choisi la tienne ? La partages-tu toujours avec Blanche de Passac ?
    — Non.
    La réponse était sèche et le visage altier. Ogier en reçut l’explication :
    — Elle est au mieux avec Walter Tyler… ou Wat Tyler… ou Vautre Tuilier, si tu préfères. C’est un capitaine de Bordeaux.
    « Ou de bordeau ! » songea Ogier.
    Pour vivre avec cette dame, il fallait aimer tous les débordements charnels.
    — Vous devriez cesser cet entretien, messire ! Vous pâlissez, votre nez se pince. Constatez-le, dame…
    Douce, mais formelle, la garde-malade ! Tancrède ne pouvait exercer sur elle ni son pouvoir ni sa séduction. Ogier en sourit.
    — Nous allons achever, damoiselle Odile.
    — Vous êtes trop hodé [23] pour bavarder ainsi.
    — Tudieu ! s’exclama Tancrède, recouvrant le ton d’autrefois. Tu peux dire, cousin, qu’elle veille sur ta santé !
    — Je lui en sais bon gré… Oh ! non, ne pars pas, cousine… Maintenant que tout me revient en mémoire, sais-tu que Guillaume de Rechignac a été fait prisonnier au siège d’Auberoche [24] par Enguerrand de Briatexte – qui est mort, lui aussi, à Chauvigny ? Mon oncle est en captivité. Angleterre ou Guyenne, je ne saurais le dire. Est-ce la première fois que tu vas sur la Grande Île ?
    — La seconde… Quant à Guillaume…
    Tancrède serra les dents. S’il s’était gardé, lui, de dire « ton père », par crainte de la mécontenter, elle avait prononcé dédaigneusement ce Guillaume ». Or, s’il n’était son géniteur, cet homme s’était conduit comme tel. Et même abusivement : il avait sans regret sacrifié Claresme, son aînée, sa vraie fille, à Tancrède, envoyant cette dernière au couvent pour qu’elle y reçût une instruction solide tout en y apprenant les usages. En fait, elle s’y était corrompue.
    Un flot d’images déferlait dans la tête d’Ogier ; toutes celles, souvent rudes, de ses enfances en Périgord, chez Guillaume, que sa femme, une nuit d’orage, avait trahi avec son sénéchal. Et Tancrède était née de ces amours coupables. C’était à Rechignac qu’il avait connu Anne. C’était à Rechignac qu’il avait fait ses premières armes contre les Anglais et les Gascons de Robert Knolles.
    Brusquement, un visage éclipsa tous les autres. Un ange de rousseur et de suavité… Blandine. Lorsqu’il l’avait connue, aux joutes chauvinoises, quel enchantement !… Quand la reverrait-il – si jamais il la

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