Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
défendant, et quel que fut son adversaire, tout le portait à croire qu’il le vaincrait.
    — Les voilà enfin !… J’espère qu’ils ont porté de l’huile et une queux [249] . Je veux me mouvoir aisément et tenir une épée qui tranche !
    Il sautillait d’impatience. Exécrant sans distinction les Goddons, il eût affronté, dit-il, à mains nues, ce capitaine qui devançait maintenant le chariot. Lorsque la mule fut arrêtée, il s’inclina devant elle comme il l’eût fait en accueillant une noble dame :
    — Alors, ma toute belle, que nous apportes-tu ?
    — Messires, cracha le capitaine, voici les harnois dont vous pouvez disposer.
    Barbeyrac contourna la caisse de bois maculée de crottin et de fiente, montée sur de grosses roues pleines. Hissé sur la pointe des pieds, le menton affleurant la membrière du hayon, il enragea :
    — Pêle-mêle !… Ils nous apportent ça pêle-mêle comme un monceau de pelures, de débris de salles d’armes !… Regarde !
    Se soulevant à son tour, Ogier inspecta toute cette charretée de fers, de cuirs, de mailles de laquelle il faudrait extraire puis composer trois harnois solides et convenablement ajustés.
    — Sangdieu ! dit-il en retombant sur ses talons. Ils nous moquent !… Notre préparation va prendre du temps.
    Et tourné vers le capitaine :
    — Ce n’est pas à nous de décharger ces mailles et ces plates.
    — Je ne suis pas, messire, habilité à vous aider.
    — Et lui ? dit Barbeyrac en montrant le sergent.
    — Il va monter et vous passer les pièces… Aide-les, Harvey…
    L’homme se jucha sur la banquette pendant que le capitaine saisissait la mule au frein pour l’empêcher d’avancer.
    Ogier reçut, au creux de ses bras réunis en avant, une paire de jambières. Barbeyrac l’en soulagea et les porta jusqu’au seuil du pavillon. Guillaume, qui revenait, les prit et les déposa dans l’ombre. Et la litanie commença, ponctuée des grognements de Guillaume :
    — Une cuirasse qui a pris des coups.
    — Une brassière sans cubitière… Une autre complète.
    — Un haubergeon, Étienne, qui semble en bon état.
    — Un bassinet sans colletin… Deux solerets qui semblent faits pour moi.
    — Un colletin sans bassinet !… Trois calettes [250] .
    — Un heaume de joute… mais il est faussé… Une jambière… Non : deux !
    — Ils veulent notre mort !… Une dossière qui fut percée par un carreau. Le plastron manque !
    — Il me semble que le voilà, dit le sergent.
    Il se délectait de la confusion et de la fureur des Franklins.
    — Une autre paire de jambières, dit Ogier. Il manque un oreillon à la genouillère dextre… Trois éperons !… Deux courtes heuses légères.
    — Avec toutes ces bribes, endêva Guillaume, invisible sous la tente où il faisait du tintamarre, nous ne ferons rien de bon !
    Ogier reçut en main un heaume biscornu. Il le jeta aux pieds du capitaine :
    — Messire, nous ne sommes pas un mardi gras pour nous momer ! Allez dire à votre roi…
    Le capitaine dont les yeux pétillaient de malice et de haine, répondit que le roi, debout dès l’aurore, avait considéré que c’était « bon pour eux  ». Il s’était exprimé d’un ton morose, pesant, certainement à l’imitation de celui de son souverain. Un silence contraint s’ensuivit, que Guillaume effaça d’un gros rire :
    — Votre roi se prétend chevalier ? C’est tout juste un gardeur de chèvres qui fut adoubé avec une houlette !… Dites-le-lui de ma part !
    Puis à ses compagnons :
    — Hâtons-nous d’empiler toute cette ferraille. Avec l’aide de messire saint Michel, nous finirons bien par puiser notre bonheur là-dedans.
    Bientôt, tous les harnois furent à l’abri sous la tente ; le capitaine alla y jeter un coup d’œil.
    — Avec tout ce dont vous disposez, vous pouvez par ma foi composer trois armures… J’ajoute que ces plates sont pour la plupart françaises. C’est pourquoi j’ai reçu commandement de vous les remettre.
    Le capitaine souriait avec une sorte d’indulgence ou de compréhension. Barbeyrac le poussa au-dehors :
    — C’est à nos morts que ceci fut robé !… En fait de dépouilles opimes, vous croyez nous livrer quelques cercueils de fer !… Honte à vous !
    L’Anglais se défendit. Tout cela dépassait ses fonctions. Il était un homme de guerre, lui aussi :
    — Je n’ai fait qu’obéir… Vous le savez, messires : de même que

Weitere Kostenlose Bücher