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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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venicent, venicent et spectantur ipsae. Je pense, moi, que tout est différent. Au contraire des Goddons, nos joutes et tournois se font à la belle saison. De plus, ces bannières qui ventilent ont des armes que nous méprisons.
    — C’est vrai… Ce lion d’argent sur fond d’azur…
    — Il doit appartenir à Thomas de Holland, absent… Quant à ces six autres lions sur fond d’azur également, à la bande armée de trois étoiles…
    — Northampton, je présume. N’est-il pas à Calais ?
    — L’autre : d’argent à une chausse de gueules…
    —  Chandos assurément, mon neveu.
    — Ces bannières bougent tellement, mon oncle, que nous pouvons nous méprendre. Il n’y en a qu’une que je connais et exècre : ces fleurs de lis de France souillées par six léopards !… On la voit aux quatre coins de la lice, sur les toits des échafauds…
    — Vois plutôt, mon neveu, qui s’approche de nous : un panetier suivi d’un échanson !
    Ils étaient fervêtus, suivis de quatre sergents l’épée au côté. Le panetier avait un petit nez rouge et les yeux larmoyants sous son chapeau de fer. Il éternua en se détournant et posa son panier aux pieds de Guillaume :
    — Messire, nous avons mission de vous offrir à manger. Il y a là du pain, du bacon, de la compote… et même, en ce drageoir, quelques mirabolains [246] .
    — Et bientôt, dit Barbeyrac en soulevant la portière de la tente, pour vos barons, bien sûr, déconfiture.
    L’échanson lui offrit deux chopines. Barbeyrac crocheta ses index à leurs anses.
    — Qu’y a-t-il là-dedans ? Quel nectar ?
    L’échanson, un petit barbu pansu, cramoisi jusqu’au colletin, remua ses lèvres avec une espèce de volupté :
    — Du pedro jimenes, messire. Un bon vin blanc d’Espagne.
    — Pourquoi pas du vin du Bordelais ?
    — Le roi se le réserve.
    — Qu’il s’en saoule et qu’il en crève !
    Et rassemblant les chopines sur son cœur, Barbeyrac rentra sous la tente. Guillaume l’y suivit. Ogier salua les hommes et les remercia.
    — Pourvu, dit-il en rejoignant ses compagnons, que tout ceci ne soit pas saupoudré de poison !
    Guillaume le considéra de cet air indulgent et amusé qui lui remémora le temps de ses enfances.
    — Ne crains rien… Ces trois malandrins sont tellement sûrs de nous vaincre qu’ils ne voudraient point entacher leur victoire par un coup de traîtrise !
    Rassuré par cet argument, Ogier but à la régalade.
    — Eh bien, messires, ce vin d’Espagne est fameux !… Édouard nous soigne !
    — Nous soignerons ses barons, dit Barbeyrac.
    Assis sur l’escabelle, Guillaume rompit le pain.
    — Tiens, mon neveu, prends ça… Il n’est pas aussi blanc que celui de chez nous !
    C’était vrai : la mie était serrée, grisâtre comme les pierres de l’Isle et de la Dordogne.
     
    *
     
    Au milieu du champ clos, longeant la barrière, une mule tirait un charreton. Un sergent la menait par la bride, accompagné d’un capitaine aux mailles revêtues d’un tabard blanc portant un grand écu brodé sur la poitrine : d’argent à un dragon de sable armé et lampassé de gueules. Des luisances filtraient à travers les ridelles.
    — Cette fois, dit Barbeyrac, je crois que ce sont les armes et les armures.
    Il se frotta les mains de joie et ajouta :
    — Il n’y a personne encore dans le pavillon d’en face, derrière lequel on dresse des lances. Nos trois démons doivent s’adouber au château. Nous les verrons venir en grand appareil.
    — Peu me chaut, dit Guillaume. Où sont les latrines ?
    — Cette échiffre [247] , là-bas, derrière le pavillon des Goddons.
    — J’y vais. Faites attendre ces deux porteurs d’armes…
    Guillaume s’en alla d’un pas vif. Il glissa sur le gazon. Ogier entendit un juron.
    — J’ai peur pour lui, avoua Barbeyrac… Il a peur lui aussi et souffre de colique.
    — Nous avons tous peur, dit Ogier. À mesure que le temps passe, ma cuidançon [248] devient de plus en plus terrible… Et je ne peux rien contre.
    — Je me dis que la mort est le plus beau présent que nous puissions faire à ces Goddons grâce auxquels nous recouvrons notre dignité !
    Barbeyrac eut un rire sans contrainte ni fausseté. Son caractère avait conservé, en dépit des tribulations, un fond d’insouciance et de joyeuseté dont il tirait parti avec une aisance juvénile. Il se félicitait d’une situation qui, de prisonnier, le faisait chevalier

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