Le jour des reines
l’habit ne fait pas le moine, l’armure ne fait pas l’homme !… Que vous en semble !
— Il nous semble, coquin, que tu nous gênes !
Le capitaine s’éloigna. Barbeyrac le retint par sa cubitière :
— Les épées ?… Toutes les armes ?… Les lances si nous devons en courir ? Les écus pour nous protéger ?
— On va vous les amener.
— Le bourras pour garantir nos chairs du fer qui les ceindra ?
— Bien que n’ayant reçu aucune sommation, je vais vous en porter moi-même.
— Tu sais que tu me plais, dit Guillaume, penché, quand tu deviens bienveillant !
Le compliment toucha l’Anglais. Il sourit, et c’était d’un sourire sincère. Alors, Guillaume crut devoir profiter de ses bonnes dispositions :
— Ton tabard…
— What mon tabard ?
— Il me plaît avec ce dragon à la langue de vouivre… Peux-tu me le passer juste pour le combat ?
— Il n’est pas à vos armes !
— C’est vrai… Si tu ne veux pas me prêter le tien, tâche de m’en trouver un… J’ai toujours eu un tabard sur mes mailles.
— Je vais voir ce que je peux faire, dit le capitaine en s’en allant, cette fois, pour de bon.
— Pourquoi voulez-vous revêtir un tabard ? demanda Ogier à son oncle.
Guillaume eut un soupir ; le même que naguère, à Rechignac, lorsqu’il l’interrogeait à propos d’un événement, d’un geste, d’une astuce.
— Je me sens plus apte à supporter des mailles que des plates. Or, il y a parmi ces harnois désassortis un haubergeon de bons anneaux rivetés à l’ancienne… Seulement, il en manque au cœur et à la hanche et je suis sûr que pas un mailleur d’Angleterre ne voudrait, pour moi, ajuster des mailles neuves à celles qui subsistent… Cela prendrait d’ailleurs trop de temps. Un tabard dissimulera ces déchirures qui, s’il les voyait, inciterait mon adversaire à vouloir m’estoquer sans trêve en ces endroits.
— Dois-je vous l’avouer, mon oncle ? Je vous retrouve avec plaisir tel que vous étiez quand vous aviez sept ans de moins !
— Si Dieu, pour ce dimanche, me prêtait cinquante ans, je me sentirais de taille à vaincre deux Goddons à la fois !
— Contente-toi d’un seul, ami ! fit Barbeyrac. Ogier l’approuva, le cœur pincé.
*
Ils s’empressèrent d’examiner les pièces une à une. Ils les confrontèrent, dissertant sur leurs qualités et les plaçant soigneusement devant les endroits du corps pour lesquels on les avait forgées. Les échanges, alors, devinrent incessants :
— Ces brassières, Ogier, ne me conviennent pas. Les veux-tu ?
— Non, Étienne, j’ai les bras plus longs… Mais regarde cette cuirasse !
— Elle semble à ta mesure.
— Elle y est, mon oncle, mais la dossière en est absente.
— N’est-ce pas celle-ci que j’allais rejeter ?
— Non… Tu vois bien que les boucles et les courroies ne se marient pas ensemble.
— Ce bassinet me va : je le garde.
— Moi, mon neveu, je prends celui-là.
— Ce gros !
— Je le supporterai sur mes épaules. Ne te souviens-tu pas que dans mon armerie, j’en avais un tout pareil, sauf qu’il était entretenu ?
— Heureusement, Guillaume, qu’il est loin d’être midi et qu’ils nous accordent le temps de nous apprêter… Je voudrais voir aux barrières tous nos compagnons d’infortune.
Il y eut un silence bref lors duquel, immobiles et consternés, Guillaume et Barbeyrac semblèrent plongés dans leurs souvenirs communs. Le vétéran se ressaisit le premier :
— Ce sont nos compagnons que nous allons venger… Ils se sentiront fiers de notre victoire… Et puis quoi ? Je leur ai laissé la lime. Je suis sûr que certains s’enfuiront.
— Puissent-ils réussir mieux que nous, dit Barbeyrac.
Sa joie et sa fureur semblaient s’être amollies. Ogier soupesa le haubergeon choisi par son oncle ; les mailles lui en parurent singulièrement pesantes. Un doute le blessa : jamais Guillaume ne soutiendrait un long combat avec ce fardeau sur le corps. À la pénible sensation d’impuissance qui le hantait, vint s’ajouter la certitude affreuse qu’il périrait.
— Aidez-moi, les gars, à essayer ces mailles.
Ogier et Barbeyrac levèrent à bout de bras, ensemble, la défense de fer. Guillaume y introduisit sa tête en même temps que ses bras. Quand il en fut couvert, il fit quelques mouvements d’attaque et parut satisfait :
— Il va voir…
Il n’avait pas choisi
Weitere Kostenlose Bücher