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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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dans l’herbe et les flaques les pans immaculés d’une chasuble neuve. Derrière, un jouvenceau en aube et calotte portait, appuyée sur son ventre, une haute croix de bois.
    Ogier composa son attitude : faussement recueillie, faussement déférente. Il détestait ce prolongement d’une cérémonie qui n’avait que trop duré, bien qu’il sût que certaines du même ordre, en France, commencées tôt le matin, ne s’achevaient parfois qu’à la vesprée, de sorte que les adversaires en étaient réduits à se battre aux flambeaux. Or, ici, à Ashby, des jouteurs attendaient : il voyait, entre la dentelle des branches, des luisances de tabards et d’armures. L’évêque était tenu d’officier en hâte.
    Toutes et tous les privilégiés des tribunes s’étaient levés au passage de la Croix. Tancrède regardait obstinément le plancher comme pour échapper aux rites d’une procédure nouvelle et qui la rebutait autant que les précédentes. Le roi, en caressant sa barbe, se penchait pour épier Jeanne de Kent et ses voisines. Les hommes avaient des mines attristées, bien qu’ils eussent le goût du sang dans la bouche ; les femmes souriaient, la plupart les mains jointes. Près d’un juge diseur, un greffier grattait le parchemin tendu sur son écritoire.
    Sans descendre de son perchoir, mais en invitant les six adversaires à mettre pied à terre et à demeurer devant leurs chevaux, le prélat crut bon de préciser que ces rencontres solennelles étaient tolérées par Dieu : on ne pouvait être vaincu que par Sa Volonté. C’était donc l’accomplir que d’achever le perdant blessé, même s’il respirait encore et pouvait être sauvé.
    — … et tant plus, pour donner à connaissance que vous êtes de vrais chrétiens, signez-vous de votre dextre…
    Les appelants avancèrent d’un pas. Parlant en leur nom, Lionel de Dartford pria le maréchal de lice et l’évêque de leur bailler « la portion du champ, du vent et de la clarté » – il n’avait osé dire : « du soleil ». La partie de la lice à la droite du juge et du greffier lui fut attribuée.
    — À quoi bon tout cela, grommela Barbeyrac. Ils l’ont déjà !
    Agissant pour les défendants, Guillaume fit de même et reçut ce qui subsistait : la portion gauche. Alors les trois hérauts d’armes auxquels deux autres s’étaient joints remémorèrent aux spectateurs leurs devoirs :
    —  Or, oyez ! Or, oyez ! Or, oyez !… Mandement est fait à tous : seigneurs, chevaliers et toutes manières de gens, de se tenir à l’écart du champ clos !… Interdiction est faite de monter à cheval, de proférer aucun cri, de faire aucun bruit… Ainsi, le roi notre sire, vous commande et défend que nul ne parle, ne signe, ne tousse, ne crache, ne crie, ne fasse aucun semblant quel qu’il soit, sous peine de perdre corps et avoir !
    —  Vos mains de fer, messires, demanda le presbytérien.
    Les ennemis, ensemble, dégagèrent leur dextre, et les gantelets furent amassés sur la croix posée à terre, emblème de Celui qui avait dit aux hommes : «  Aimez-vous les uns les autres. »
    Il fallut alors se résoudre à l’ignoble : s’agenouiller devant son challenger et le tenir par la main gauche.
    — Nous, appelants, hurla Cobham dont la senestre tremblait dans celle d’Ogier, jurons sur la vraie figure de la passion de notre vrai rédempteur Jésus-Christ, et sur ces Évangiles qui sont ici, sur la foi du baptême, comme chrétiens, que nous tenons de Dieu, sur les très souveraines joies du paradis auxquelles nous renonçons pour les très angoissantes peines d’enfer, sur notre âme, sur notre vie et sur notre honneur, que nous avons bonne, sainte et juste querelle à combattre ces hommes faux et mauvais traîtres, meurtriers, tels Guillaume de Rechignac, Ogier d’Argouges et Étienne de Barbeyrac que nous voyons ci-présents devant nous, et de ce que nous appelons Dieu notre vrai Juge, Notre-Dame et messire saint Georges le bon chevalier à témoin… Et nous n’avons et n’entendons porter sur nous ni sur notre cheval, paroles, pierres, herbes, charmes, charois [286] , conjurements ni invocations d’ennemis [287] , ni nulles autres choses où nous ayons espérance d’obtenir aide, ni de leur nuire, ni aurons recours fors que en Dieu, par notre corps et notre cheval et par nos armes. Et sur ce, je baise cette vraie Croix et les saints Évangiles, et me tais.
    Le presbytérien présenta la Croix et

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