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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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de lassitude et de violence mêlées. Un bourg, un petit bourg qu’Éthelinde déteste.
    Pourquoi regardait-elle aussi tristement la fenêtre de leur chambre ?
    — Nous y resterons deux jours. Vous pourrez les mettre à profit.
    C’était inattendu. Ogier planta ses yeux dans des prunelles qui ne se dérobèrent pas. Il se sentait soudain complètement guéri et fort pour toute chose.
    — À profit ?… Dans quel sens, damoiselle, entendez-vous cela ?
    — Seriez-vous devenu sot ?
    C’était dit simplement, d’une voix nette, dépourvue du moindre mépris.
    Odile s’éloigna, le laissant perplexe.
     
    *
     
    Son repas l’attendait dans sa chambre : des lentilles fumantes et une épaisse tranche de bacon. Il mangea sans plaisir, trouvant pour la première fois le pain rassis et les légumes insuffisamment cuits.
    « À profit », se répétait-il. « À profit pour quoi ? » L’évasion ? Éthelinde ? Sous quel prétexte les dames de Winslow, si avenantes lors des soins qu’elles lui avaient donnés pendant dix ou douze jours, avaient-elles renoncé à nouer, hors de ceux-ci, des entretiens qui leur eussent permis à tous trois de se mieux connaître ? Il avait d’entrée soupçonné l’aînée d’être en oisiveté d’amour et d’en souffrir. En aucun cas, cependant, sauf la nuit de son arrivée, elle ne s’était montrée disposée à trahir la mémoire d’un époux qu’il se représentait comme un rustaud. Sa crinière blond-blanc flottait dans ses pensées comme une longue bannière de brume. Était-il expédient de profiter de l’éloignement d’Arthur de Winslow et de sa puînée pour…
    « Pour quoi ? »
    Une question mit fin à cette incertitude : que devenait l’épouse du baron ? La reine Philippa devait être relevée de ses couches. Aucun chevaucheur n’était venu porter le moindre message de revenue au château. Jamais Odile n’avait fait allusion à cette singulière éclipse. Fallait-il en déduire que le roi d’Angleterre et sa femme séjournaient encore à Calais et que l’absente dont nul, apparemment, ne se souciait, reviendrait avec eux sur la Grande Île ?
    « Je partirai la nuit prochaine », décida, soudain, Ogier.
    Jamais il ne pourrait profiter d’une aussi bonne occasion : l’éloignement du baron perturberait les recherches. Et, d’ailleurs, qui commanderait aux hommes d’armes ? Les ayant patiemment observés, il n’en voyait aucun qui se distinguât de ses compères par quelques traits d’intelligence. Et certains – la plupart ! – seraient à Buckingham !
    Il devait sans tarder trouver la meilleure issue pour sa fuite. Il savait que par la grosse tour où logeaient le baron et ses filles, on accédait au chemin de ronde. Il n’y était jamais entré ; il le fallait maintenant.
    « N’attends pas », se dit-il. « Tu sais qu’ils dorment tous. »
    Par ces ultimes chaleurs de l’été, les habitants du château – même lui jusqu’à ce jour – faisaient la méridienne. Eh bien, pour son sauvement, il dérogerait à la coutume…

VII
    Après quelques foulées dans la cour chauffée à blanc, le seuil des écuries paraissait un convenable refuge. L’ombre dense y sentait la paille et le crottin ; entre les pavés gras, du pissat croupissait. Des mouches venaient là tournoyer, s’abreuver. À Gratot, l’on n’eût point toléré pareille négligence : on mésusait sur l’eau et c’était bien la seule prodigalité qu’on se permît !
    Tout Winslow reposait comme à l’accoutumée.
    Cillant des paupières, sa dextre en auvent sur son front pour soustraire ses regards au miroitement du soleil, Ogier put reconnaître, assis et assoupi derrière un merlon, le guetteur de service.
    « Richard !… Ce malandrin contrevient à sa tâche ! »
    Le soudoyer avait dû se lasser d’observer le serpentement du chemin parmi les crêpelures teintées d’un peu de rouille : il semblait, en effet, que les derniers feux de l’été avaient hâté la flétrissure de certains feuillages – ceux des châtaigniers et des fayards, entre autres.
    « Ce huron dort si bien qu’il ne pourrait ouïr l’approche d’une armée ! »
    Ogier longea les murs jusqu’à la Godiva tower dont la porte entre-close laissait apercevoir, émergeant de l’obscurité, l’amorce d’un escalier de pierre.
    Après tant de journées inactives ou presque, l’investigation qu’il se proposait d’entreprendre épicerait la

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