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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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fadeur d’un après-midi décisif. S’il était surpris dans sa quête, il alléguerait, comme excuse, une curiosité due à l’oisiveté. En cédant à cette instigation, il ne commettait aucun crime ; seulement une infraction légère aux lois de l’hospitalité.
    Le soleil embrasait à demi la porte, de biais, avant que d’aviver, d’un mince triangle vermeil, les dalles rougeâtres du seuil. Un essaim de poussières brillantes tournoyait dans le grand pan lumineux qui, parti du sol, jaillissait jusqu’à l’étroite ogive de la voûte. Puis c’était l’ombre tiède et d’autant plus épaisse que les clartés, ailleurs, semblaient pétries de craie.
    Ogier s’accota doucement à la muraille. Il hésitait. Noyé dans la léthargie la plus complète, il sentait pour la première fois Winslow hermétiquement fermé autour de sa personne et ne savait qui, des pierres ou de lui-même, subissait un enchantement. Pendant quelques instants son souffle se mêla aux bourdonnements d’un frelon égaré dans les ténèbres tandis qu’il avançait, posant avec précaution sur le pavement la pointe de ses heuses légères – un présent d’Odile, mais une acquisition du chevalier de Ringwood.
    Alors qu’il atteignait enfin l’escalier, il leva les yeux. Un rai lumineux plongeait obliquement du faîte de la tour pour s’éteindre sur le second palier. La Godiva tower était donc ouverte en son sommet par une fenêtre qui, peut-être, était assez large pour permettre le passage d’un corps adulte. En ce cas, et puisque les portes du château étaient closes et barrées à la tombée du jour, c’était par là qu’il partirait. Il tiendrait dans sa main suffisamment de corde et, s’il fallait sauter, il sauterait.
    Cinq marches ; la première encoignure et, l’escalier étant étroit, une niche afin de libérer le passage. Une nouvelle volée de dix degrés : ombre, ivoire, ombre, ivoire et ainsi de suite. Il s’immobilisa sur le palier, statue noire emmitouflée de clarté grise toute pétillante de poussière, à un pas d’une porte.
    Il renonça à coller son oreille intacte contre l’ais de chêne divisé en tympans séparés les uns des autres par des lattes de la largeur d’une main. Il s’aperçut alors qu’un des rectangles branlait dans ses mortaises et le déplaça. Dans la fente ainsi apparue, il put distinguer, le long d’un mur, l’amorce d’un bahut et, au-dessus, le pan rouge, ondoyant, d’une tapisserie.
    Il eut envie de battre en retraite puis avisa, au terme d’une seconde volée, une petite porte par laquelle on accédait au chemin de ronde. Il y fut aussitôt et constata qu’elle était entrebâillée, sans serrure. Tout se simplifiait.
    Il gravit encore une dizaine de marches dans les ténèbres réapparues et s’immobilisa, indécis, le visage au ras du second palier.
    Il tremblait maintenant. Honte ou pressentiment ? Honte et pressentiment. Son cœur régénéré battait avec la même violence que lorsque, Confiance au poing, il moissonnait des vies en préservant la sienne, et le silence où son haleine prenait une importance exagérée semblait vouloir lui signifier, par sa plénitude accablante, un avertissement qui le fit reculer, un pied sur une marche, l’autre reposant, par l’extrémité des orteils, sur le degré inférieur.
    Il suait. Sa curiosité le brûlait comme un tison, mais la décence lui enjoignait : « Laisse ! Va-t’en ! » Il se résignait à lui céder lorsqu’un sourd marmottement l’informa que le châtelain faisait quelque chose ou dormait d’un sommeil agité, peu compatible avec la chaleur exténuante.
    Il s’approcha de l’huis en tout point semblable à celui qui fermait le logis d’en dessous, et le trouva déclos de son chambranle. Afin d’obtenir un soupçon de fraîcheur dans sa chambre, Arthur de Winslow avait provoqué un courant d’air.
    Un rideau tiré sur la fenêtre atténuait les clartés du dehors, et seule une épée de feu pénétrait dans la pièce, par un accroc de ce grand carré de bordât de la couleur du baucent [71] . Elle la traversait de part en part, embrasant au passage les buissons d’une tapisserie, le camail et le plastron d’une armure de fer, pour atteindre le chevet d’un lit des plus humbles.
    Dans la pénombre douce et légère à la fois, le baron et Lynda reposaient côte à côte ; l’homme, poilu comme un singe blanc, allongé sur le ventre, la femme étalée sur le dos, les

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