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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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seins flasques aux tétins saillants, rouges comme des fraises, la bedaine tachetée de brun, les jambes roides, écartées ; les bras remontés et les mains réunies sous la nuque, dans l’attitude de quelqu’un qui, venant de fournir un effort, se fut interrogé sur ses conséquences.
    « Une grosse génisse et son pasteur ! » Cette chair blette, tranchée des cuisses au nombril par la lueur échappée du rideau, n’eût certes pas tant remué Ogier en toute autre circonstance. Quelque crue et grotesque qu’elle fût, la sensualité qui se révélait à lui dans un abandon aussi peu attrayant que possible, l’incitait à constater que son désir de jouir de tout son corps devenait plus exigeant qu’il ne l’avait supposé jusque-là. Et qu’il attestait de sa guérison complète. Juste avant son départ pour Calais, Blandine avait fait en sorte qu’il ne la touchât point. Or, cette continence, elle pouvait s’y complaire. Pas lui !
    « Ils sont heureux », songea-t-il, morose. « La volupté, au fond, est une chose simple. »
    Dans l’inconvenance même de ce double abandon livré à son indiscrétion, dans le contraste de ces corps mûrs, l’un maigre, l’autre opulent ; l’un blême à force d’avoir porté le harnois de fer, l’autre naturellement blafard, il décelait, ahuri, un soupçon d’accord ou d’harmonie. Pour que la dame de Winslow fut victime d’un pareil adultère, il fallait qu’elle fut plus laide encore que Lynda ou aussi froide que Blandine. Mais quelle étrangeté que ses filles fussent si belles, puisqu’elles ne pouvaient « tenir » de leur père.
    La house-maid égara ses mains sur son pelage. Si peu qu’elle eût remué, elle éveilla son maître.
    — Je dois me lever, dit-elle, et préparer vos habits.
    Elle s’exprimait en français, une langue qu’elle eût dû exécrer.
    — As-tu dit à Will et à John ce qu’ils avaient à faire ?
    — Ils sont prêts à le mettre en terre, tout en craignant que Gauthier de Masny ne vous demande raison… Ils creusent en ce moment une fosse en forêt.
    Le cœur d’Ogier s’enfla et battit le tocsin.
    Lynda poussa un bâillement sonore et, avant même qu’il fut achevé :
    — Pour Odile, il est un otage. Son otage.
    — Crois-tu que je vais seulement à Buckingham pour vendre des moutons ? Je vais y rencontrer Simon de Brackley… J’ai négoce avec lui depuis un an déjà. Je lui accorderai Odile en mariage.
    La grosse servante se dressa sur son séant et contempla le fessier de son compère, toujours immobile sur le ventre, comme s’il craignait qu’elle ne vît l’autre face de sa nudité.
    — Brackley a quarante ans, je crois, et une réputation détestable.
    Elle soupesait alternativement ses seins énormes, aussi gros que la tête du baron de Winslow.
    — Brackley a du bien, Lynda. Il sera plus souvent avec ses écuyers qu’auprès d’elle. Moi, j’aurai deux bouches de moins à nourrir : celle du Franklin et celle de ma puînée. Ensuite, je m’occuperai d’Éthelinde.
    Tandis que les mamelles retombaient, Ogier se demanda s’il aurait l’occasion de prévenir Odile du sort qu’on lui préparait.
    — Qu’avez-vous choisi pour Argouges ? Fer ou poison ?
    — Tu vas l’enherber [72] . Pour dissiper sa méfiance, mes filles lui restitueront son épée…
    — Ont-elles des soupçons sur votre intention ?
    Le baron maugréa puis sa voix devint douce, paterne, rassurante :
    — Non… Elles sont trop occupées à frétiller pour s’occuper de tout ce qui se passe en ces murs. Elles lui rendront l’épée… innocemment.
    Ogier se recula : il en savait assez.
    S’il parvenait à convaincre Odile qu’un mariage se tramait, qui la ravalerait au rang de ces brebis que son père allait vendre, il lui prouverait sa reconnaissance et la déciderait de partir avec lui.
    Il descendit quelques degrés.
    Il fallait qu’il fît en sorte de s’adjoindre Odile. Non seulement elle connaissait le pays, les cités et les bourgs qu’il fallait traverser pour atteindre la mer, mais encore, elle devait posséder une escarcelle suffisamment pleine pour obtenir aisément le gîte et le couvert. Elle le ferait passer pour son époux.
    Il s’immobilisa sur le seuil du logis d’Odile et d’Éthelinde, décidé à frapper puis à entrer sans même qu’on l’y eût invité.
    L’huis de chêne lui parut plus sombre que lors de sa montée. Il retrouva, juste à sa hauteur, le panneau

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