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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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visiterai, mais d’ici là, disparaissez : la dame de Winslow est de retour. Un chevaucheur vient de m’annoncer sa venue. Oyez, messire, oyez les sabots des chevaux sur les pierres du chemin !
    La grosse Ermyntrude se rengorgea ; c’était pour reprendre son souffle :
    — Lynda ! Lynda !
    D’un bond, Ogier fut dans la cour. Un cheval y sabotait à l’ombre, entre le puits et l’écurie, et un varleton [73] buvait une louchée d’eau qu’il venait de tirer d’un seau.
    « Voilà l’occasion que tu espérais : le cheval et l’événement ! »
    Il n’allait perdre que Confiance. Si grand que fut son attachement à cette épée, il devait l’abandonner : c’était le sacrifice propitiatoire nécessaire à sa réussite.
    Il marcha lentement, la fièvre de l’espérance au corps, distillant des pensées qui pourraient être vaines :
    « Quand la litière de la baronne entrera dans la cour, il y aura quelques moments d’embrassades et de commentaires pendant lesquels tu seras tout esseulé. Saute sur ce cheval et galope jusqu’à la forêt. Hésiter c’est périr, car ce n’est pas parce que sa femme est de retour qu’Arthur renoncera à ses mortels desseins !… Ce cheval noir n’est pas au bout de ses ressources. Dans le cours de la nuit, il reprendra des forces… Comme lui, tu mangeras des herbes et t’abreuveras aux ruisseaux. »
    — Damoiselle Odile !… Ho ! Ho ! s’époumonait vainement Ermyntrude. Dame Éthelinde !… Venez ! Venez !… Votre mère est de retour…
    Dissimulé par le cheval, Ogier vit Lynda surgir de la Godiva tower. Le baron apparut, nouant le cordon du col de sa chemise puis celui de ses hauts-de-chausses. Point d’Éthelinde ni d’Odile.
    Ogier tapota la croupe du noiraud. Le varleton, vêtu d’une livrée aux couleurs des Winslow, courut vers les tours portières entre lesquelles un cavalier venait d’apparaître, tête nue, son pourpoint gris, brun de sueur. Lâchant les rênes, il leva ses mains pour saluer le seigneur et ses gens, puis se retourna vers la litière toute proche, sans doute, mais invisible.
    « Quand elle entrera, patiente un peu afin de savoir s’il n’y a pas quelques hommes en arrière, puis sauve-toi ! »
    La litière s’engagea sous le porche et son conduiseur, à cheval, la mena au milieu de la cour. Les brancards avaient été passés à la dorure et la logette peinte en rouge et noir. Les roncins gris qui la portaient étaient parés de chasse-mouches de soie retorse avec des pompons et grelots, et affublés de chanfreins d’orfroi complétés de têtières composées de plumes d’autruche. Ogier trouva ces ornements inutiles et ostentatoires. Les rideaux de la caisse ayant été déclos, une tête apparut dans une embrasure, celle d’une femme brune, grassouillette à en juger par le bras rose et potelé qu’elle agitait. Elle souriait, semblait-il, davantage à sa demeure retrouvée qu’aux quelques serviteurs accourus pour saluer son retour. Elle devait s’être accroupetonnée sur le plancher : un écart du limonier de l’arrière faillit la faire basculer tout entière aux pieds de son époux, immobile, les yeux mi-clos afin, sans doute, d’occulter sa déplaisance.
    Ogier s’approcha du noiraud, évalua la longueur des étrivières et les estima trop courtes. Eh bien, il les allongerait sitôt qu’il en aurait la possibilité. Les rênes pendaient, il les ramena autour du pommeau.
    Le cheval l’observait d’un œil impénétrable.
    — Je te fais confiance, chuchota-t-il.
    Sans plus attendre, il sauta en selle et talonna les flancs juste ce qu’il fallait pour que l’animal connût sa volonté.
    Il entendit des cris, tomba de tout son poids sur Richard qui voulait lui barrer la voie. Dans la brèche ainsi ouverte, il se rua sous le porche d’entrée, franchit le seuil, le pont sur le fossé, passa devant la barbacane et galopa sur le chemin menant à la forêt.
    Se détournant, il vit que, sur les huit hommes composant la suite de la baronne de Winslow, quatre seulement s’étaient jetés à sa poursuite. C’était peu.
    Libre !
    Sa joie de galoper sans même avoir chaussé le second étrier alternait avec une terrifiante angoisse. Des spasmes l’étouffaient. Il passait âprement de la confiance au doute, puis à la désespérance, et son crâne, son cœur devenaient douloureux. Ses doigts semblaient s’entailler sur le cuir des rênes tellement il les serrait. Bien qu’il fut pour

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