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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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gaillards hirsutes avec des têtes grosses comme des poings.
    Il s’enfonça dans cette tapisserie griffante, piquante, à la trame serrée, presque inextricable, présentant son corps de côté ou de dos, et voyant l’Anglais y tailler sa voie à coups de lame.
    — Je t’aurai, Franklin ! Je t’aurai.
    Trop occupé par l’apparition d’un amas de rochers hauts et sombres parmi lesquels il se faufilerait et pourrait peut-être tendre une prompte embûche à son poursuivant, Ogier ne vit pas la racine qui, telle une grosse varice noire, sinuait sur la peau velue de la terre.
    Il s’affala sur le côté, la cheville tordue, douloureuse. Aussitôt le sergent de Winslow fut sur lui.
    — Je t’avais prévenu !… Personne n’a jamais devancé ou, si tu préfères, vaincu Nigel Aylward à la course !
    Ogier, qui s’était couché à la renverse, sentit la pointe d’une épée et une semelle de cuir ferré se poser simultanément sur son ventre. Remuer, c’était périr.
    — On nous a commandé de te ramener mort ou vif.
    — Même les filles ?
    — Éthelinde a crié : vivant  ; Odile a dit : faites pour le mieux.
    —  Le mieux, pour toi, c’est pour moi le pire !
    L’Anglais grommela tout en pesant un peu sur son épée. Il semblait mesurer tout à coup son triomphe et le trouver médiocre s’il ne versait aucun sang. Le Noiraud apparut et s’immobilisa.
    — Ton cheval, ou plutôt celui de Donald, nous a suivis. Je mettrai ta dépouille en travers de la selle… Patience : je vais t’envoyer au Ciel devant de bons témoins !… J’ai vaincu leurs chevaux à la course !… Peux-tu imaginer ma joie ?
    — Veux-tu que je te crie mon admiration ?
    La semelle cessa de peser sur le ventre. Seule l’épée y demeura ; Ogier la sentait trembler. Le moindre mouvement lui eût été fatal.
    Le bruit de galopade s’était accru. Le running-footman se redressa et lança un regard dans la direction où devaient apparaître ses compères. Il gloussa quand ils surgirent. L’épée abandonna le ventre pour la gorge.
    « Rien à faire ! » enragea Ogier.
    Il s’était épuisé en vain. Une peur irrésistible le clouait là, dans ces pierres, mieux que ne l’eussent fait les armes réunies de tous ces soudoyers. Des rires les secouaient tandis qu’ils descendaient de leur selle.
    — Tu l’as eu, Nigel !
    — On fêtera cela ce soir, entre compères !
    — Tuons-le doucettement, proposa un barbu.
    Un coup de heuse dans son flanc cicatrisé, mais sensible, contraignit Ogier à gémir. On s’ébaudit. D’autres suivirent sans qu’il se plaignît. Il ne regrettait rien, même s’il devait mourir dans une posture infamante : couché, pantelant, recoquillé comme une bête malade.
    — Tu as raison, Robert !… Refroidissons-le.
    — Chacun son coup d’estoc.
    Tous avaient l’âme rouge sous des faces pensives aux pommettes vermillonnées par des excès sans nombre. Double menton ici ; là de profondes rides qui engravaient, comme des traits de scie, l’épaisseur grasse d’une nuque… Et des poings aussi lourds et noirs que des marteaux de forge.
    — On l’émascule et le démembre ? proposa Robert à Nigel, indécis.
    — On ne doit pas, dit le goitreux. Messire Arthur en serait mécontent.
    — On peut l’occire et annoncer qu’on ne l’a pas rejoint !
    — Nous serions punis ! Il le veut vivant !
    Le souffle des chevaux et l’halenée des malandrins composaient un bruissement d’une âpreté qu’Ogier connaissait : il l’avait entendu, mêlé au cliquetis des armes, sur la pente de Crécy quand les sangs des vaincus et des coursiers atteints ou non se mêlaient furieusement.
    — Si le baron avait gardé ses chiens, dit Nigel, ce Franklin serait maintenant à demi dévoré… Nous pouvons lui faire quelques entailles. À moi la première !
    Ogier trouva le regard du running-footman. Sa haine s’enfonça dans les yeux de l’Anglais, qui hésita. L’épée étincela et chut au sol en même temps que son propriétaire : une sagette venait de lui traverser la tête. Entré par l’occiput, son dardillon sortait par le front.
    — Aster ! s’exclama Robert.
    Son cri se termina dans un gargouillement : un trait vibrait dans son cou pénétré de part en part, au-dessus du gorgerin de mailles. Il s’agenouilla et piqua du nez.
    — Fuyons ! hurla le plus jeune sergent.
    Il y eut des cris, puis une galopade. Ogier fut seul entre les deux

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