Le Journal D'Anne Frank
et Dussel font des plaisanteries stupides chaque fois que je disparais dans sa chambre. « Annes zweite Heimat (1) », disent-ils, ou bien : « Est-il convenable pour des messieurs de recevoir à une heure tardive, dans l’obscurité, la visite de très jeunes filles ? » Peter montre une étonnante présence d’esprit face à ces remarques qui se veulent spirituelles. Ma chère Maman, elle non plus, n’est d’ailleurs pas peu curieuse et aimerait bien s’enquérir des sujets de nos conversations, si au fond d’elle-même elle ne craignait pas une réponse négative. Peter dit que les adultes ne font que nous envier parce que nous sommes jeunes et que nous nous moquons de leurs piques. Parfois il vient me chercher en bas, mais c’est plutôt pénible parce qu’en dépit de toutes ses précautions, il devient rouge comme une pivoine et trouve à peine ses mots ; je suis tout de même bien contente de ne jamais rougir, cela me paraît décidément une sensation des plus désagréables.
Mon seul souci, c’est Margot en bas, tellement seule, pendant que je suis en haut avec Peter, mais elle ne veut absolument pas en entendre parler.
J’en entends de toutes les couleurs sur notre soudaine amitié et je ne sais plus combien de fois la conversation, à table, a déjà roulé sur un mariage à l’Annexe, si jamais la guerre durait encore cinq ans. Mais que nous font, à vrai dire, tous ces radotages de parents ? Pas grand-chose en tout cas, ils sont tous si bébêtes. Mes parents auraient-ils oublié aussi leur jeunesse ? On pourrait le croire, puisqu’ils nous prennent toujours au sérieux quand nous plaisantons, et rient de nous quand nous sommes sérieux.
Je ne sais absolument pas comment la situation va évoluer, et encore moins si nous aurons toujours quelque chose à nous dire. Mais si nous continuons à nous voir, nous pourrons aussi rester l’un avec l’autre sans parler. Si au moins, les vieux là-haut se comportaient plus normalement ; c’est sûrement parce qu’ils n’aiment pas trop me voir. De toute façon, Peter et moi n’irons pas raconter le fond de nos conversations. Imagine un peu s’ils savaient que nous abordons des sujets aussi intimes. Je voudrais lui demander s’il sait comment une fille est faite. Un garçon n’est pas aussi compliqué d’en bas qu’une fille, je crois. Sur les photos ou les reproductions d’hommes nus, on voit quand même très bien comment ils sont faits, mais pas les femmes. Chez elles, les parties sexuelles, ou je ne sais trop comment cela s’appelle, se situent beaucoup plus entre les jambes. Il n’a sûrement jamais dû voir une fille de si près, et à vrai dire moi non plus. Évidemment, c’est beaucoup plus facile chez les garçons. Mais comment pourrais-je bien lui décrire l’installation, parce que j’ai appris, d’après ce qu’il m’a dit, qu’il ne s’en fait pas une idée précise. Il parlait de l’« orifice utérin », mais il se trouve à l’intérieur, on ne peut pas le voir. Les choses sont tout de même très bien organisées chez nous, avant d’avoir onze ou douze ans, je ne savais pas qu’il existait en plus les petites lèvres, on ne pouvait absolument pas les voir. Et le plus beau, c’est que je croyais que l’urine sortait du clitoris.
Quand j’ai demandé une fois à Maman à quoi servait cette excroissance, elle m’a dit qu’elle ne le savait pas, pas étonnant, elle a toujours de ces réactions stupides !
Mais pour en revenir à notre sujet, comment faire pour en décrire la composition, sans exemple à l’appui ? Et si je m’y essayais ici pour voir ? Allons-y.
Devant, quand on est debout, on ne voit rien que des poils, entre les jambes se trouvent en fait des espèces de petits coussinets, des choses molles, elles aussi couvertes de poils, qui se touchent quand on se met debout, à ce moment-là, on ne peut pas voir ce qui se trouve à l’intérieur. Quand on s’assoit, elles se séparent, et dedans c’est très rouge, vilain et charnu. Dans la partie supérieure, entre les grandes lèvres, en haut, il y a un repli de peau qui, si l’on observe mieux, est une sorte de petite poche, c’est le clitoris. Puis il y a les petites lèvres, elles se touchent, elles aussi, et forment comme un repli. Quand elles s’ouvrent, on trouve à l’intérieur un petit bout de chair, pas plus grand que l’extrémité de mon pouce. Le haut de ce bout de chair est poreux, il comporte différents
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