Le Journal D'Anne Frank
trous et de là sort l’urine. Le bas semble n’être que de la peau, mais pourtant c’est là que se trouve le vagin. Des replis de peau le recouvrent complètement, on a beaucoup de mal à le dénicher. Le trou en dessous est si minuscule que je n’arrive presque pas à m’imaginer comment un homme peut y entrer, et encore moins comment un enfant entier peut en sortir. On arrive tout juste à faire entrer l’index dans ce trou, et non sans mal. Voilà tout, et pourtant cela joue un si grand rôle !
Bien à toi,
Anne M. Frank
1 « La seconde patrie d’Anne. » En allemand dans le texte.
SAMEDI 25 MARS 1944
Chère Kitty,
Quand on est soi-même en train de changer, on ne s’en aperçoit pas avant d’avoir changé. J’ai changé, et même en profondeur, totalement et en tout. Mes opinions, mes conceptions, mon regard critique, mon aspect extérieur, mes préoccupations intérieures, tout a changé, et d’ailleurs pour le mieux, je peux l’affirmer sans crainte car c’est vrai.
Je t’ai déjà raconté une fois combien il m’avait été difficile de passer, quand je suis arrivée ici, de ma vie douillette de petite personne adulée à la dure réalité des réprimandes et des adultes. Mais Papa et Maman sont en grande partie responsables de tout ce que j’ai dû supporter. A la maison, ils ont bien voulu me laisser ce plaisir et c’était très bien, mais ici, ils n’auraient pas dû en plus me monter la tête, par-dessus le marché, et ne me montrer que « leur » conception des choses dans toutes leurs disputes et dans leurs séances de commérages. Avant de m’apercevoir que dans leurs disputes, ils avaient chacun raison à 50 %, il m’en a fallu du temps. Mais à présent, je sais combien de fautes ont été commises ici, par les vieux comme par les jeunes.
La plus grande faute de Papa et Maman vis-à-vis des Van Daan est de ne jamais leur parler de manière franche et amicale (même si cette amitié est peut-être un peu factice). Je veux, avant tout, préserver la paix ici, et éviter de me disputer ou de médire. Avec Papa et Margot, ce n’est pas difficile ; mais avec Maman, ça l’est, aussi est-ce une bonne chose si elle-même me reprend parfois. On peut facilement se mettre M. Van Daan dans la poche en lui donnant raison, en l’écoutant en silence et sans trop parler, et surtout… en répondant par une autre blague à chacune de ses blagues et de ses astuces vaseuses. Quant à Madame, on la charme en parlant franchement et en cédant sur tout. Il faut dire qu’elle admet ouvertement ses défauts, qui sont extrêmement nombreux. Je sais trop bien qu’elle a une moins mauvaise opinion de moi qu’au début et cela vient seulement de ma franchise et de mon habitude de dire en face même les choses les moins flatteuses. Je veux être franche et je trouve qu’ainsi on est bien plus avancé ; en plus, on se sent beaucoup mieux.
Hier, Madame me parlait du riz que nous avons donné aux Kleiman : « Nous avons donné, donné et encore donné, et puis il est arrivé un moment où j’ai dit : "Maintenant, cela suffit." Kleiman peut se débrouiller tout seul pour trouver du riz, s’il en prend la peine, pourquoi devons-nous nous défaire de toutes nos réserves ? Nous tous ici en avons autant besoin qu’eux, a dit Madame.
— Non, madame, ai-je répondu, je ne suis pas d’accord avec vous. M. Kleiman peut sans doute se procurer du riz, mais il lui est désagréable de s’en préoccuper. Ce n’est pas à nous de critiquer les gens qui nous aident, nous devons leur donner tout ce dont nous pouvons éventuellement nous passer et ce dont ils ont besoin. Une petite assiette de riz par semaine ne nous apporte rien de plus, nous pouvons tout aussi bien manger des légumes secs ! »
Madame n’était pas de cet avis, mais elle a dit aussi que même si elle n’était pas d’accord, elle voulait bien céder, c’était une tout autre affaire. Bon, je préfère arrêter, parfois je sais où est ma place, parfois je doute encore, mais j’y arriverai ! C’est certain !
Surtout que j’ai maintenant un soutien, car Peter m’aide à oublier plus d’un mauvais quart d’heure. Je ne sais absolument pas dans quelle mesure il m’aime et si nous en viendrons jamais à nous embrasser ; en tout cas, je ne veux rien forcer ! A Papa, j’ai dit que je rendais souvent visite à Peter et je lui ai demandé s’il était d’accord, bien sûr
Weitere Kostenlose Bücher