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Le Journal D'Anne Frank

Le Journal D'Anne Frank

Titel: Le Journal D'Anne Frank Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Frank
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sans doute à plaisanter et à nous taquiner ; nous ne nous aidons pas nous-mêmes, ni ceux du dehors, en restant sombres comme nous le sommes tous en ce moment, et à quoi sert-il de faire de l’Annexe une Annexe mélancolique.
    Dans tout ce que je fais, je ne peux pas m’empêcher de penser aux autres, à ceux qui sont partis et quand quelque chose me fait rire, je m’arrête avec effroi et me dis que c’est une honte d’être aussi gaie. Mais faut-il donc que je pleure toute la journée ? Non, c’est impossible et ce cafard va bien finir par passer.
    A cette tristesse vient s’en ajouter une autre, mais d’origine personnelle et qui paraît négligeable auprès de la détresse dont je viens de parler. Pourtant je ne peux m’empêcher de te dire que ces derniers temps, je commence à me sentir très seule, il y a un trop grand vide autour de moi. Autrefois, je n’y réfléchissais pas autant et mes petits plaisirs et mes amies occupaient toute ma pensée. Aujourd’hui, je pense soit à des choses tristes, soit à moi-même. Et en fin de compte j’ai découvert que Papa, malgré sa gentillesse, ne peut pas remplacer à lui seul tout mon petit monde d’autrefois. Il y a longtemps que Maman et Margot ne comptent plus dans mes sentiments. Mais pourquoi t’ennuyer avec de telles sottises, je suis terriblement ingrate, Kitty, je le sais, mais souvent la tête m’en tourne lorsque je me fais trop gronder et qu’en plus je ne cesse de penser à toutes ces choses sinistres !
     
    Bien à toi,
    Anne
     
     
     
    SAMEDI 28 NOVEMBRE 1942
     
    Chère Kitty,
     
    Nous avons consommé beaucoup trop de lumière et dépassé notre ration d’électricité, conséquence : surcroît d’économie et coupure de courant en perspective. Quinze jours sans lumière, agréable non ? Mais qui sait, cela va peut-être s’arranger ! A partir de quatre heures ou quatre heures et demie, il fait trop sombre pour lire et nous tuons le temps avec toutes sortes de bêtises. Devinettes, gymnastique dans le noir, conversation anglaise ou française, critique de livres, on finit par s’en lasser à la longue. Depuis hier soir, j’ai trouvé une nouvelle distraction, lorgner les pièces éclairées des voisins avec des jumelles puissantes. Dans la journée, nous ne devons pas écarter les rideaux d’un centimètre, mais lorsqu’il fait si sombre, cela n’a plus d’importance. Je ne m’étais jamais doutée que les voisins pouvaient être des gens si intéressants, du moins les nôtres. J’en ai surpris quelques-uns à table, une famille était en train de regarder un film et le dentiste d’en face de soigner une vieille dame anxieuse. M. Dussel, dont on disait toujours qu’il s’entendait à merveille avec les enfants et aimait tous les enfants, se révèle le plus vieux jeu des donneurs de leçons et un faiseur de sermons interminables sur les bonnes manières. Comme j’ai le rare privilège (!) que le grand-duc du savoir-vivre daigne partager avec moi une chambre malheureusement très exiguë et que je suis de l’avis général la plus mal élevée des trois jeunes, j’ai bien du mal à esquiver les remontrances et réprimandes à répétition et à faire la sourde oreille. Tout cela ne serait pas si grave si Monsieur n’était pas un tel cafteur et n’avait pas choisi Maman pour adresser ses rapports. Quand j’ai essuyé ses foudres, Maman y met aussi du sien et la tempête commence à souffler de son côté, et si je suis dans mon jour de chance, Madame me rappelle à l’ordre cinq minutes plus tard, et cette fois, c’est en haut que le tonnerre gronde !
    Ne va pas t’imaginer que c’est facile d’être le point de mire des critiques d’une famille de clandestins chicaneurs. Le soir dans mon lit, quand je réfléchis à mes nombreux péchés et aux défauts qu’on me prête, je me perds tellement dans cette énorme masse de choses à considérer que je me mets à rire ou à pleurer selon mon humeur du moment. Et je m’endors avec le sentiment bizarre de vouloir être autrement que je ne suis ou d’être autrement que ne le veux ou ne suis. Oh, mon Dieu, tu vas t’y perdre à ton tour, excuse-moi, mais je déteste raturer, et jeter du papier est interdit en ces temps de grande pénurie. Je ne peux donc que te conseiller de ne pas relire cette dernière phrase et de ne surtout pas chercher à l’approfondir, car tu n’en sortirais pas !
     
    Bien à toi,
    Anne
     
     
     
    LUNDI 7 DÉCEMBRE

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