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Le kabbaliste de Prague

Le kabbaliste de Prague

Titel: Le kabbaliste de Prague Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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le
féliciter. Le MaHaRaL apparut sur le seuil, nous vit tous dansant et riant en
tournant le dos aux tables recouvertes de livres. Dès qu’il en apprit la
raison, sa colère se dissipa dans un bon sourire.
    La scène fut à peine différente lorsque Jacob put à son tour
proclamer l’état de son épouse. Quoique ce fût l’unique fois où quiconque le
vit danser.
    Ainsi donc, au printemps, Vögele fut la première à enfanter.
Le bébé était une fille.
    Une fille aux grands yeux. Elle cria très fort durant les
premiers jours. Ce que les femmes s’accordèrent à considérer comme le signe
d’une belle santé et la promesse d’un futur plein d’énergie.
    Au troisième jour après la naissance de l’enfant, après
qu’on lui eut assuré qu’elle était saine et bien vigoureuse, pour le plus grand
bonheur d’Isaac, le MaHaRaL vint saluer sa petite-fille. Considérant
l’étonnante face qui l’approchait, l’enfant, pour une fois, se tut de longues
minutes. Tout noirs, à peine formés, quasi aveugles à ce qu’on raconte, ses
yeux écarquillés fixaient cette face à nulle autre pareille.
    Que voyait-elle dans ce flot de barbe qui s’inclinait vers
elle, ces centaines de sillons sculptés par l’âge et la sagesse ? Que voit
la vie qui naît du monde qui l’accueille ?
    Celle-ci, cette nouveau-née là, vit quelque chose. Ou le
sentit.
    Peut-être est-ce la faiblesse qui nous vient au souvenir de
tout ce qui commence, mais voici une vérité : ce silence, je l’entends
encore. Je vois la longue et fine main du MaHaRaL se tendre vers la couche du
bébé. La large manche de son caftan recouvrait en entier le berceau. Il ne
toucha pas l’enfant, il ne la frôla pas. Les yeux tout neufs quittèrent le
visage pour considérer ces doigts pâles, à peine frémissants. Et, dans le
silence qui les unissait, la nouveau-née brandit son poing minuscule.
    À petits coups, mais avec une énergie qui valait celle d’une
longue embrassade, elle cogna contre la paume du MaHaRaL. J’ai toujours pensé
que ce grand amour, cette grande connivence, qui allaient les lier jusqu’à leur
dernier souffle et qui furent, à leur manière, la raison de tout, étaient nés
en cet instant-là.
     
    Le nom de l’enfant donna lieu à quelques tractations dans
les jours qui suivirent.
    Vögele désirait que sa fille fût nommée Éva. Isaac ne montra
aucun enthousiasme. La discussion s’échauffa. Isaac gronda que la Torah
contenait une suffisante abondance de prénoms féminins, les Rachel, Sarah,
Tsippora, Bethsabée, Myriam… sans que Vögele veuille choisir celui de la
pécheresse. Celle-là même qui était la cause, comme le dit le Siracide
(Ecq, 2 5,24), que « la mort était entrée en tous les
hommes ».
    Vögele avait du caractère. Elle ne se laissa pas rebuter par
les reproches et les suppliques de son époux. Elle était la fille du MaHaRaL.
Elle savait depuis longtemps comment se manœuvre une volonté quand on veut la
voir vaincre. Au lendemain d’une dispute qui risquait de prolonger trop
longtemps l’indécision d’Isaac, elle se confia à sa mère, Perl.
    L’épouse du MaHaRaL était une femme petite, d’une discrétion
exemplaire, et que beaucoup auraient pu négliger. Mais le Maître connaissait
mieux que tous et son énergie et sa détermination Dieu seul pouvait la faire
céder. Et elle n’avait pas partagé son existence depuis des décennies sans
avoir acquis à son côté un peu de son habileté.
    Perl choisit le jour paisible du shabbat pour transmettre le
choix de sa fille au MaHaRaL. Notre Maître ferma les yeux et murmura le prénom
en hébreu «  Hawwa, Hawwa… »
    Les syllabes lui plurent. Cependant, comme son épouse s’y
attendait, la grimace lui vint sous la barbe. Ainsi qu’Isaac, bien qu’avec
calme et un peu mécaniquement, il rappela les mots du Siracide.
    À quoi son épouse, sur le ton d’un constat bénin,
rétorqua :
    — Hawwa était la première des femmes. Et comme
première, elle était à l’origine de toutes choses qui lient les femmes aux
hommes. Le bon et le mauvais. Ta petite-fille est ta petite-fille. Elle est le
fruit de l’Éternel, béni soit Son nom, ce qui ne veut pas dire qu’elle vienne
du paradis. Elle est seulement sortie du ventre de sa mère. Son Jardin de la
Connaissance, ce sera toi, son grand-père, le MaHaRaL de Prague. Et si tu es
celui que je crois que tu es, cette petite Éva sera bien plutôt le canal du
Salut que le

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