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Le kabbaliste de Prague

Le kabbaliste de Prague

Titel: Le kabbaliste de Prague Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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Maître des mensonges. Honte à lui
qui attire le Mal sur nos têtes ! Les Gentils vont nous étriper parce que
vous vous livrez à la magie. Il faut ouvrir les portes et les laisser repousser
ce tas de boue immonde dans le fleuve, sinon, demain, nous n’aurons plus de
fils ni de filles…
    À peine Zalman eut-il fini d’éructer que Maisel somma ses
hommes, qui s’emparèrent de lui. Il ne cessa de vociférer pendant qu’ils le
repoussaient loin de la place.
    Mais, comme toujours, les propos de Zalman, si insanes
fussent-ils, laissaient leur empreinte dans les têtes et les cœurs les plus
faibles. Un murmure ambigu s’étira ici et là. À sa manière, Zalman exprimait
tout haut une vérité : si Golem échouait à nous protéger, peu d’entre nous
verraient l’aube du jour à venir.
     
    Les imprécations de Zalman ne firent pas ciller le MaHaRaL.
Je me demandai s’il les avait entendues. Au cœur de l’angoisse et du tumulte
qui nous emportaient, il conservait un calme qui donnait à sa silhouette
quelque chose d’irréel.
    Il se tenait si près de Golem qu’il pouvait le toucher. Sa
main sortit de la vaste manche de son manteau. Ses doigts se tendirent,
effleurèrent les monstrueux doigts de boue. Un mouvement doux, presque tendre.
Cela dura un peu, puis les paupières du MaHaRaL voilèrent son regard. Sa main
s’éleva. Ses lèvres et sa barbe s’agitèrent sous la vigueur de sa prière. Nul
n’en devina les mots. Le manteau qui l’enveloppait frémit sous la tension de
son vieux corps. On osait à peine regarder. Une prière monta à la bouche de
chacun, un étrange chaos et empilement de prières tandis que le vacarme autour
de nos rues croissait.
    Et, d’un coup, un prodige se réalisa encore devant nous. La
chair si pâle de la main du MaHaRaL se mit à briller. Un éclat dur comme celui
des étoiles que l’on observe par les nuits très froides. Une irradiation
éblouissante qui semblait sourdre de la paume même de notre Maître. Elle fusa
sur la boue moite de Golem où s’absorbaient les rayons des lanternes.
    Du haut de sa masse, la tête de boue s’inclina, les quatre
lettres de sa vie, qu’on discernait à peine un instant plus tôt, commencèrent à
luire. La main du MaHaRaL se leva encore, comme s’il voulait recueillir dans sa
paume cette face sans bouche et sans parole.
    Les pierres bleues de ses yeux répondirent à l’éclat qui les
illuminait. Golem eut une secousse qui nous ébranla tous. Il redressa et
détourna sa face comme sous l’effet d’un éblouissement.
    La vie était revenue en lui.
    Dans la pénombre, la brise tiède qui se levait dispersa sur
nos lèvres un souffle bizarre. Un air légèrement écœurant, comme on pouvait en
respirer aux chaleurs d’été sur les rives de la Vltava.
    La voix du MaHaRaL n’eut pas à être forte pour s’imposer.
    — Viens, dit-il. Viens, Golem, et accomplis ce pourquoi
tu vis.
    Ce ne furent que quelques mots. À peine plus que du silence.
    Pourtant, lecteur, considère cela. De ma vie, avant ou
après, jamais cet instant ne se reproduisit et jamais je ne reçus de leçon plus
prodigieuse.
    Ces quelques mots du MaHaRaL n’étaient rien. Des sons
simples et ordinaires. Pourtant, avec chaque syllabe qu’il prononça je vis
jaillir de sa bouche ce souffle unique et fabuleux, ce pouvoir du Verbe avec
lequel le Saint Nom tira un jour le monde hors du néant et lança nos vies dans
l’univers.
    Mais aussitôt, sans rien quitter de sa simplicité et
conservant sa main dressée, paume face au ciel, le MaHaRaL s’écarta de Golem.
Il se dirigea si brusquement en direction de la porte Paryzkâ qu’une bousculade
s’ensuivit.
    Les porteurs des lanternes coururent pour le précéder. Le
mouvement de la foule se transforma en une sorte de houle qui s’élargissait
devant Golem. Le sol tremblait sous ses pas colossaux.
    La porte Paryzkâ se découpait dans la nuit rougie par les
torches. Elle était flanquée de deux petites tourelles à guichets que les
guetteurs avaient depuis longtemps désertées sous les jets de pierres venus de
l’autre côté. Les massacreurs gueulaient, rythmant l’élan des bœufs qui
entraînaient le bélier. Les huisseries résistaient encore, bien que chaque coup
engendrât des fissures et des brisures plus importantes. Le madrier, retenu
dans son cloisonnement par des cordes, tressautait, craquait, mais tenait bon.
    Y avait-il des guetteurs invisibles sur les toits
voisins ? Ou fut-ce le

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