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Le kabbaliste de Prague

Le kabbaliste de Prague

Titel: Le kabbaliste de Prague Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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résonna entre les murs. Les enfants bondirent dans les
rues en hurlant :
    — Golem ! Golem ! Golem !
    On réquisitionna tout ce qui pouvait transporter un peu de
terre boueuse et tous les outils capables de creuser dans la berge de la
Vltava. Avant que les premiers rayons du soleil n’effleurent les murs du
château qui surplombait Prague, la boue commença à s’entasser aux pieds du
MaHaRaL.
    Il s’était posté au centre de la place de l’hôtel de ville.
Sur les pavés encore blanchis par la gelée, la boue noire du fleuve fumait.
Mille bras échangeaient les seaux et bientôt des carrioles tirées par des
mules. Mais il s’avéra vite que cette première boue était bien trop liquide
pour s’amasser en un tas modelable.
    Des cris, des protestations fusèrent. On réclama une glaise
plus consistante. Elle arriva, cette fois-ci grise, moirée de reflets
verdâtres. Une terre belle et souple, collante et chaude. Elle s’entassait vite
quoiqu’elle fût lourde et que les bras fatiguassent.
    Le MaHaRaL, durant tout ce temps, n’avait pas bougé d’un
pouce. Derrière ses paupières à demi closes, nul ne pouvait deviner son regard.
On eût cru qu’il était lui-même devenu une statue.
    Mais quand l’amoncellement de glaise parvint à hauteur de
poitrine, il s’avança d’un pas vif. Il repoussa d’un geste ceux qui se
trouvaient devant lui. Ses mains nues plongèrent dans la terre molle, la
pétrirent et la roulèrent. Lentement, deux colonnes de boue massive apparurent.
Une sorte de jambes.
    Puis les hanches et la taille.
    Afin que cela tienne, il fallut encore épaissir les jambes
et allonger les pieds.
    Pour sculpter la poitrine, et bien que notre Maître fût de
très haute taille, on apporta une carriole. Il y monta et poursuivit son
incroyable modelage. Le soleil à présent asséchait un peu plus la boue au fur
et à mesure que les mains du MaHaRaL la moulaient. Le thorax prit une apparence
meilleure et plus humaine que les jambes, quoiqu’il possédât la taille d’une
double barrique.
    Les bras nécessitèrent un travail lent et difficile. La boue
chutait des coudes, les poignets s’effritaient et les doigts ne purent qu’être
gigantesques, disproportionnés, sinon, ils se détachaient aussitôt modelés.
    Étrangement, le cou et la tête furent les plus aisés à
réaliser.
    Le soleil approchait de midi quand le MaHaRaL planta deux
pierres d’un bleu doux à la place des yeux.
    Il y avait longtemps qu’on n’apportait plus de boue et que
la ville entière était massée sur la place. Les cœurs cognaient dans les
poitrines mais les lèvres laissaient à peine passer les souffles.
    Du bout de l’index, notre Maître dessina une bouche aux
belles lèvres. Elles possédaient un ourlet léger, comme sur le point de
sourire.
    Encore il façonna un nez. Un nez puissant, droit. Creusa le
dessous de la bouche pour dégager le menton, malaxa les tempes pour qu’elles
respectent un peu la symétrie.
    Puis il retira ses mains.
    Debout sur la carriole, il devait lever la tête pour
regarder les yeux de pierre qui lui faisaient face. Le soleil éblouissait sans
réchauffer. Le silence fut aussi mordant que le froid.
    Le MaHaRaL demeura immobile et, de nouveau, ses paupières
voilèrent son regard. Mais sa bouche frémissait sur des paroles inaudibles.
    Puis d’un geste violent, inattendu, qui souleva une
exclamation dans la foule, de la paume il effaça la bouche qu’il venait de
modeler. La glaise des lèvres gicla sur ceux qui étaient les plus proches et la
face de terre apparut, étrange. Rien d’humain.
    Alors le MaHaRaL sortit de sous son manteau quatre
plaquettes de bois larges de quatre paumes. Chacune était recouverte d’une
lettre écrite au pinceau dans une encre noire et épaisse :
    ÈMET.
    Ce qui signifie : Vérité.
    Et voilà ce qui arriva. Le MaHaRaL enfonça avec soin les
quatre lettres dans la glaise du front. Il était si large que les plaquettes de
bois parurent bien minuscules.
    Plus tard, certains assurèrent avoir entendu, venant de la
poitrine du MaHaRaL, une voix puissante usant de mots inconnus.
    Bien que tout proche, je n’entendis rien. Je dévorai des
yeux cette apparence d’homme de boue grise. Je ne respirai pas plus que lui.
    Puis je hurlai, comme toute la place, quand soudain son bras
trembla, sa masse tangua. On crut qu’un vent que nous ne sentions pas le
faisait vaciller. Le MaHaRaL lui-même recula sur la carriole. La chose encore
bougea.

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