Le lever du soleil
à Toulon. Disponibilité
immédiate sur simple billet. Envisageons, Eminence, le pire maintenant.
- Envisageons, signor Cantarini...
- Ainsi, vos meubles et úuvres d'art.
- J'en laisserai au Roi.
- Tout ?
- Un peu.
- Le reste déménagera chez moi et sera dispersé chez nos amis abbés, marchands, banquiers, et vous reviendra quand vous le désirerez.
- En totalité ?
- Presque...
- Discutons des commissions à verser.
- Voilà, Eminence, ce que j'ai préparé...
Pendant que Son Eminence faisait ses comptes, la Reine réfléchissait. Elle avait chassé ses plus proches de ses appartements et désirait être seule, ne tolérant que Louis le nouveau roi en sa chambre. Elle avait même éloigné Philippe qui pourtant la réclamait, s'étant écorché le genou en glissant et trébuchant sur les parquets de ce funeste Louvre.
La Reine régente et le Roi, c'est tout, l'heure était grave et le visage de son gentil fils l'était aussi. Elle admira son profil encore joufflu mais déjà sévère. A cinq ans ! même pas cinq ans sonnés.
Elle sourit. Elle avait pris sa décision, enfin presque. Elle savait qu'on attendait dans son antichambre. M. de Beauvais, évêque et stupide, le duc de Beaufort, prince du sang b‚tard et cupide. Et puis les douces péronnelles, Chevreuse, Hautefort, Longueville, Sénecey. Soupir de Reine attendrie par ses amies. qui trahit-on sinon ses amis ? Ses ennemis on les combat.
Chevreuse d'abord, ma Chevrette, ma súur du temps des folies.
- Vous vous ennuyez, Sire ? Nous allons recevoir.
- Je ne m'ennuie pas, Madame maman. Je songe.
- Moi aussi j'ai beaucoup pensé depuis ce matin, désormais il s'agit de décider. En votre nom, Louis, ce qui n'est pas une mince affaire.
- Vous ferez bien, Maman.
- Merci, mon doux sire.
Et elle lui fit une révérence avant de l'embrasser sur les deux joues. Baisers que le Roi lui rendit avec un chatouillis de ses longs cils de fille.
- Nous allons recevoir de gentes dames et de nobles seigneurs... mais il ne s'agira pas de conte de fées.
- Je n'aime plus les contes de fées, Madame ma mère. Je préfère l'Histoire, que me lit notre bon La Porte.
- Ce sera donc une page d'histoire. Petite sans doute, mais nécessaire. A votre grandeur future.
La Chevrette entra, mêmes yeux verts aussi br˚lants, même sourire qui fait frémir maréchaux et cardinaux, le duc de Lorraine comme le roi d'Espagne. Et le cúur d'Anne.
- Ma chère súur...
Chevreuse fait sa révérence au Roi, baise la main de la longue femme en noir plus espagnole encore que du temps o˘ elle était infante et qui porte le deuil d'un époux qu'elle n'a jamais aimé.
- Votre súur, Madame, mais votre súur bien oubliée... Ainsi que vos amis. Vous venez d'exiler Mme de Montbazon, haute dame des Vendôme, qui assiègent aujourd'hui votre porte et au nom desquels je viens parler avant son frère, le duc de Beaufort, dont vous connaissez les emportements.
- Je les connais et nous les apprécions peu, le Roi et moi.
- Ils sont ses cousins, Madame, descendants eux aussi d'Henri IV le Grand.
- Par Mme d'Estrées, sa maîtresse. Avez-vous, mon amie, quelque chose de plus nouveau à m'apprendre ?
La súur descendue au rang d'amie reste silencieuse. Puis s'enhardit.
- Vous avez repris le gouvernement du Havre à Mme d'Aiguillon, nièce trop aimée de notre ennemi, Richelieu...
- Oui. Et j'ai chassé Chavigny et Bouthillier, cela aussi est vrai...
- Et vous chasserez Mazarin, créature du feu Cardinal.
- Le Roi mon mari en a fait son Principal Ministre, sur recommandation du Cardinal-Duc, il l'est encore.
- Mais si vous m'en croyez, Madame, si vous en croyez votre súur ou votre amie, choisissez, demain il ne le sera plus.
- Peut-être, ainsi va la vie.
- C'est lui, Madame, qui a rédigé le codicille vous enlevant le pouvoir de régence s'il vous en accorde le titre...
- Sous la dictée, mon amie, sous la dictée. Cela ne venait pas de lui.
- Il n'était pas que la main du greffier, il était aussi l'‚me damnée de Richelieu ; la terrestre, la céleste, elle, doit être à cette heure la proie des flammes.
- M. Mazarin ne m'a jamais heurtée. Il est modeste, parrain du Roi, et fort instruit des affaires du royaume.
- Mgr de Beauvais aussi...
- Vous abandonnez les Vendôme pour cet évêque, notre Grand Aumônier... Ma súur, vous jouez trop au reversi, à force de défausser vos cartes o˘ allez vous arriver ?
- M. de Beauvais est saint homme.
- J'ai demandé
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