Le lever du soleil
Mon fils, vous allez être roi. Aimez Dieu, la paix et vos peuples.
- Oui, mon Papa.
Puis il resta silencieux, regardant à nouveau ce visage dont il s'était empli l'esprit deux jours avant.
- Ne me direz-vous pas adieu ?
Louis hésita, se rembrunit, regarda autour de lui : il était seul malgré sa mère, son frère, ses dames, les chevaliers de Saint-Louis, les princes, son père.
- Adieu, mon Papa.
- Et vous, Phi...
Le Roi n'eut pas le temps de finir sa phrase que Philippe d'Anjou claironna :
- Adieu mon Papa !
La voix était enjouée, le Roi sourit de cet enfantillage.
- Adieu, dit Louis XILI.
Les enfants sortis, la Reine s'approcha.
- Il me vient, Madame, des pensées qui me tourmentent.
Appelez le Père Dinet.
Le vieux confesseur était là mais Louis ne le voyait plus.
- Sire, tout le monde ici vous aide de ses prières.
Trente personnes étaient à genoux.
On était jeudi 14 mai, à deux heures et trois quarts d'après-midi, Louis XILI eut un hoquet.
La France avait un nouveau roi nommé Louis XIV.
OŸ LA REINE FAIT SON M…NAGE ET
MAZARIN SES MALLES
Il convenait de partir. Rejoindre les princes Colonna et reprendre leur service ? Il était désormais plus riche qu'en les quittant et coiffé d'un chapeau d'écarlate. Flatter le pape Urbain ?
S'installer à Rome et s'y créer un emploi, mieux, un établissement. Il était prince de l'Eglise, que Diable. Il se signa après une telle évocation du Malin.
Il convenait de partir car la Reine régente faisait le ménage.
Mazarin n'était ni triste ni inquiet. Simplement préférait-il quitter la France avant que la Reine ne l'en chasse. Ainsi allait le pouvoir, sic transit gloria, il e˚t agi de même, mais ne se jugeait pas cardinal que l'on chasse ou ministre qu'on éloigne. Il n'était pas Chavigny, secrétaire d'Etat et espion, ou Bouthillier, surintendant des Finances et valet, que la Reine avait immédiatement écartés. Bien que le feu Roi et Sa Défunte Eminence l'aient nommé lui au Conseil de régence et au poste de principal ministre, il savait son rôle terminé. La pièce est dite, sortons de scène. Mais n'oublions aucun de nos oripeaux de thé‚tre. Aussi M. Mazarin avait-il mandé son banquier le signor Cantarini, lombard.
On ne quitte pas le ministère les mains vides. Nul n'avait commis cette faute depuis le roi Henri et son bon Sully. Certaines choses accordées par le Roi, mieux, par Son Eminence, lui revenaient de droit et la Reine ne connaissait rien aux comptes. Dans sa grande bonté, et son sens de l'Etat, dont il se targuait lui, Giulio Mazarini, car il redevenait cet Italien ancien mercenaire de la France, d'avoir empêché Sa Majesté Anne régente de France de commettre sa première bévue financière.
Tant pressée de jeter les cardinalistes et d'accueillir à nouveau ses amis et les récompenser, tant ignorante de l'état des deniers du royaume, que, en l'absence de budget écrit, seuls Richelieu et donc Mazarin connaissaient, Anne avait décidé de redorer leurs belles fidélités. Voulant récompenser Marie de Hautefort, la Reine décida de lui donner le revenu d'une propriété appartenant à la Couronne et nommée Les Cinq Fermes. Elle le dit au Conseil, elle vit la tête des ministres et secrétaires plonger dans leurs papiers, regarder le plafond, esquisser un rictus de fauve. Mazarin, lui, prit le temps d'expliquer à une reine rosissante de honte que Les Cinq Fermes étaient énormes et que leur revenu faisait vivre toute la Cour. Il plaisanta sur leur dénomination, jouant sur les mots, indi-quant qu'il ne s'agissait pas de domaines mais des vraies rentes de l'Etat, ses impôts " affermés " comme les aides, la taille, la gabelle, et autres taxes, que la pudeur française, qu'il admirait tant, avait une fois de plus joué avec cette si belle langue qui était en train depuis des siècles de conquérir l'Europe, mieux ou autant que ses armées, payées justement par ces Fermes-là. Il s'en tira très bien.
La Reine s'en tint à un " merci monsieur ".
Il sourit.
- Ma, j'ai été honnête. On ne ruine pas ce qu'on a installé.
Ce n'est pas digne ni d'un gentilhomme, ni d'un ministre tel que moi. Ni de celui qui fut mon maître, le Cardinal-Duc. Et puis j'aime bien ce pays.
C'était vrai. Il aimait la France et il aimait le petit roi. Il s'était attaché à cet enfant comme naguère il était attaché à ses nièces, qu'il avait songé un temps à faire venir d'au-delà des Alpes. Et que depuis il
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