Le lever du soleil
pillera les villages voisins.
Il suffit d'apparaître, et l'ordre renaît. quel enfant de douze ans ne penserait pas ainsi ? Parade et impassibilité.
Bordeaux la Rebelle. La Meilleraie commande le siège. Escarmouches, quarante morts en deux heures. Mazarin dit qu'il songe à négocier. C'est une feinte. M. de Gourville vient parlementer.
On offre un mariage : Mlle Martinozzi, nièce du Cardinal, avec un Conti : elle deviendrait princesse du sang royal. C'est que les vendanges approchent et la guerre va tout g‚ter ! Or l'été fut bon dans les vignobles. On ouvre les portes, tant pis pour Condé. La récolte est sauvée.
On peut rentrer à Paris et retraverser ce pays que Louis guette derrière les glaces de son carrosse à la Bassompierre. Il voit la Guyenne, le Poitou, la Saintonge, la France lui plaît. Il voit des collines, des ch‚teaux tranquilles, des églises blanches ou dorées, de longues rangées de peupliers qui bruissent dans le couchant.
De ce côté, les villages sont encore pimpants, la guerre n'est pas passée ou si peu, par la faute des princes. Il semble qu'on vit bien, il mange sa première fougasse, elle est parfumée au cumin.
Mais nul visage ne rit. Le Roi ne rit pas plus.
A Paris, Maman est malade, Mazarin reparti aux frontières o˘
M. de Turenne commande des Espagnols ! M. Gaston offre des dîners. On y médit sur tout. M. Mole, du Parlement, vient faire la leçon. Il parle des causes des désordres de la France. De ces causes, la principale est venue naguère d'Italie et impose une politique jugée infortunée. Louis écoute, enrage autant qu'un Condé.
Se tait.
Gaston, qui se souvient d'être lieutenant général, propose qu'on rel‚che les princes et chasse Mazarin. Il est intouchable et en profite.
Louis songe. Paris hurle et clame encore cette fois pour les princes que la ville a tant honnis il n'y a pas deux ans ; Louis sourit de tant de versatilité.
C'est que le peuple crève de faim et cela il l'ignore. Le Roi ne fait pas bombance mais il mange, ce n'est pas le cas aux entours de son palais. La vieille Fronde, silencieuse, mendie au coin des rues, assassine pour un pilon de poulet, un reste de poisson. Elle ne porte pas le camail de Gondi, les rubans de Condé, elle crève et se raccroche à qui la veut. Scarron avait raison avec ses pigeons chassés par des garnements et que Gondi n'a pas compris.
Tout pourrait être renversé ; tout va demeurer.
Sauf Mazarin.
Le Roi est prisonnier en son palais, la Régente aussi. Le coadjuteur a fait tendre des chaînes dans les rues alentour, pas question de repartir nuitamment pour Saint-Germain.
On a osé pénétrer jusque dans la chambre du Roi pour le voir dormir. C'est Monsieur qui a fait ce coup-là, allié à Gondi. Mais le peuple a mis chapeau bas et genou en terre devant le sommeil feint du petit Roi. Derrière son rideau de tête de lit, une ombre, un éclat. L'ombre est celle d'un homme, l'éclat, celui d'une épée.
Guitaut.
Louis a vu tout cela, dont le sang-froid de sa mère. A minuit, devant une foule criant : " Le Roi va quitter Paris ", elle fait ouvrir toutes les portes, baisser les armes aux gardes ; mais leur nombre a doublé, ils sont camouflés partout dans le palais ; elle pense que Gaston, lieutenant général du Royaume, veut enlever le Roi et le conduire en son propre palais du Luxembourg. Le capitaine des suisses de Monsieur, des Souches, est là. Il voit le Roi endormi, ressort le dire. Les bourgeois veulent aussi le voir.
Ils courent dans les couloirs, ralentissent, marchent sur la pointe des pieds, sont dans la plus grande intimité, Mme de Sénecey et la Reine soulèvent le rideau du lit. Louis ronflote, le visage tourné
vers le mur. " C'est un enfant ", murmure une marchande de dentelles. L'enfant tourne la tête vers eux dans son sommeil.
Il est beau.
Certains mettent genou en terre.
On se relève, sort de la chambre en silence.
Louis entrouvre un úil. Il a senti l'odeur du peuple, maintenant il voit son dos.
Le lendemain, dans le jardin du palais o˘ il est consigné, il joue à la guerre avec Vivonne et Brienne. Et un nouvel enfant d'honneur, Paul Mancini, neveu du Cardinal. Il avait détesté nièce et neveu du Grand Turc au premier regard, maintenant il s'en accommode : ce Paul est de bonne compagnie et sa súur Marie très gaie. Une Marie encore, une Hautefort jeune !
Le Roi joue mais compte aussi. Un compte à rebours, aussi précis que la mèche d'une bombe : dans quatre
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