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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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Vive la Reine " et même
    " Vive Mazarin ".
    Ce que Richelieu et Louis XIII mirent vingt ans à coudre, un enfant le réalisa en deux ans. Comme ses deux grands prédécesseurs, il le fit contraint et forcé et, mieux qu'eux, en tira immédiatement des conséquences qui s'imprimèrent fortement en son esprit et ne le quittèrent jamais.
    Louis allait reconquérir son royaume en fuyant. M. Pierre de Corneille avait écrit Horace, et son célèbre duel inégal, un contre trois, dans l'arène ; Louis battit ses propres Curiaces, princes du sang, seigneurs de la guerre, héros du royaume, en attendant qu'ils se lassent. Parfois, simplement, en apparaissant.
    Mens agit‚t molem, lui avait enseigné dans Virgile l'abbé Har-doin de Péréfixe, qui lui inculquait la morale et le latin que Louis maniait avec certaine gr‚ce et un classicisme tout cicéronien. Oui, l'esprit du roi Louis meut la masse. Et, aurait-il pu ajouter, et il le faisait in petto, doit la mouvoir. Le fervent latiniste silencieux, avec une patience qu'on ne lui connaîtra plus bientôt, et cela il le sait, l'a décidé, va le montrer, l'imposer, il en est s˚r, pour fixer à jamais son univers sur lequel ne régnera que sa volonté, version moderne du vers panthéiste de l'auteur de l'Enéide, est pour l'instant bringuebalé, en voyages incessants, fuites camouflées, par les
    " masses " agitées de mouvements incontrôlables.
    Alors il découvre ce qu'il ignore : son royaume et ses habitants.
    Il a tout vu, il n'a guère compris l'incompréhensible, mais il a compris les hommes, Gondi, Condé, Mazarin.
    La Bourgogne est séditieuse, la Normandie peu s˚re, on y traque la duchesse de Longueville qui change de refuge chaque jour et semble avoir trouvé quelque bateau pour passer en Angleterre ; on l'oublie. On ignore qu'elle a rejoint Turenne, qui s'est enfermé à Senay, place forte sur la Meuse, et qui attend les troupes espagnoles de l'archiduc Léopold Guillaume. Bordeaux est révoltée, qui a accueilli Claire Clémence de Maillé-Brézé, épouse de Condé.
    Tous ces gouvernements qu'on a généreusement distribués à
    leurs maîtres princiers ne sont plus au Roi.
    On s'occupe d'abord de la Bourgogne.
    Le Roi doit y rejoindre ses armées, une idée du Cardinal.
    Louis voit. La Bourgogne fut terrain de combats, thé‚tre des opérations entre la France et l'Empire, cette guerre terminée en Westphalie. Les trois mille personnes qui l'accompagnent traversent villages détruits, aux paysans nus comme vers marchant dans la boue, femmes hagardes qui tendent la main, enfants semblant des squelettes à gros ventre et qui ne mangent que des brins d'avoine. que faire pour eux quand dans son pourpoint de velours on n'a pas une seule pièce. Ici on trouve un troupeau de cinq cents orphelins de moins de sept ans accueillis par un couvent. La Reine donne deux pendants d'oreilles pour les nourrir. On traverse sans trop regarder, on va à l'armée qui assiège Bellegarde.
    La pluie noie tout. Des soldats se traînent sur des béquilles, les tentes laissent passer les gouttes froides d'eau noire mêlées à la suie des incendies. Mazarin est là, qui dirige les travaux, se prenant pour Richelieu devant La Rochelle.
    Un cavalier fend le déluge, un cri :
    - Le Roi vient ! le Roi arrive ! le Roi est là !
    On tente de présenter ce qui ressemblerait à une armée.
    Il approche, sort de son carrosse. Guitaut inondé du plumet aux bottes lui présente un cheval. Le Roi monte, il est très expert en ces choses. Il a grandi, il a minci, est beau. Les soldats ne l'ont jamais vu, ils sont séduits. Ils mangent des écorces, de la paille mêlée de farine à charançons qui sont leur seule viande, ou des produits de rapines, mais ils ont le Roi.
    On lui présente une lunette, à cheval il regarde les remparts de la ville rebelle, voit s'en échapper un nuage de fumée, puis entend une seconde plus tard une détonation, puis encore un sifflement, et à six pas de lui s'écrase un boulet.
    Louis n'a pas frémi ! Ses troupes l'acclament. Un drapeau blanc flotte à la porte de Bellegarde, un cavalier en sort, galope jusqu'aux royalistes. Il remet un pli que Guitaut tend au Roi. Le commandant de la place présente ses excuses à Sa Majesté de cette canonnade insensée et sacrilège.
    Des remparts, viennent les cris en écho de " vive le Roi ". Bellegarde se rendra dans les deux jours. Et les soldats des deux camps pactiseront dans une fête générale, pour laquelle on

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