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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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comte de Guitaut fut-il jaloux ?
    - Rassuré un temps : ils retardèrent mon exil de trois semaines ! A poudrer donc pour les remercier. Et pour que Guitaut leur pardonne en les trouvant à son go˚t. Ne rougis pas, sotte fille, le vicaire n'aime-t-il pas les tiens ?
    La marquise contempla son image. Fronça le nez.
    - Bon, le reste est dissimulable avec moins de chandelles et plus de dentelles. Le ventre est toujours plat de n'avoir porté
    qu'une fille. Nous a-t-elle écrit ?
    - Non, Madame, la comtesse de Fleix ne nous a rien fait parvenir depuis deux semaines.
    - L'oublieuse enfant ! Elle néglige sa mère.
    - Madame, vos jambes, vos pieds sont d'une finesse exquise.
    - Paraître trop maigre pour la Cour sert, l'‚ge venant ; il est d'ailleurs déjà venu, cet ‚ge, hélas ! dans la pénombre, il se gomme, comme se cache un sournois, mais il est là. Nous mouche-rons encore quelques chandelles, qu'on ne voie que la ligne générale et qu'on ombre les détails. Bas blancs.
    - Dois-je poudrer maintenant ?
    - Poudrez tout, chère Madeleine, cela gomme aussi le faux pli, la crevasse, le bouton. Nous nous installerons dans la chambre des fleurs. que Bonsergent illumine le jardin de torchères, qu'il accueille le capitaine avec ce qui lui reste de son passé militaire, que toute la maisonnée soit pimpante, fraîche, bien repassée, bien peignée. Je ne veux pas une agrafe de cuivre manquant aux livrées. Une sorte de haie d'honneur, mais non militaire. La place est conquise au capitaine, ne lui offrons pas une revue mais un accueil et un accompagnement. Et la robe ?
    - Celle de crème rehaussée de blanc, les épaules y sont nues, et par-dessus le négligé fleuri, qui bouge joliment au moindre geste...
    - Madeleine, vous êtes fine stratège. Allons, préparez-moi !
    Ah, il me faut un livre. N'ayons pas l'air d'attendre, mais de nous délasser, et qu'on nous surprenne occupée. Les poèmes de ce vieux Malherbe feront l'affaire. Y avez-vous lu celui dédié à
    " Une Belle Vieille " ? (Elle rit.) Il sera le mieux d'actualité.
    Loin de Milly, et au cúur de Paris, près la place Royale, Marion de L'Orme aussi attendait à nuit tombée. Sans se repentir et sans besoin d'oratoire à cet effet. Madame la Grande, comme la surnommait Paris, attendait Monsieur le Grand et ses vingt ans. Elle l'attendait en compagnie d'une très jeune amie, Ninon, fille de L'Enclos, un forban, nobliau déchu, un père et mari qui avait tout abandonné pour des fumées et faire la vie. Ninon était plus que jolie, chantait d'une voix d'ange, jouait du luth à ravir. Marion de L'Orme, de bonne famille, était reçue partout, sauf dans le salon de Mme de Rambouillet ; Ninon, elle de bien moindre extraction, et pauvresse patentée, fréquentait chez la belle et dolente Arthénice, comme l'avait surnommée en son temps ce vieux mais talen-tueux courtisan de Malherbe par une heureuse anagramme de Catherine. Arthénice recevait les talents, se moquant, parfois, des quartiers de noblesse, mais refusant les courtisanes, fussent-elles blasonnées, pour préserver la pudeur virginale de sa fille Julie.
    Alors Ninon, qui connaissait depuis quelques jours seulement " la chosette ", ce dont se vantait son premier amant, Saint-Etienne, sans lui avouer que la trousser et la prendre n'avait été que l'objet d'un pari entre libertins, Ninon toute ravie de son dépucelage contait à Marion les bons mots entendus entre deux airs de luth chez la belle Catherine de Rambouillet. Et Marion riait.
    Il faisait nuit déjà et Monsieur le Grand tardait. quand Cinq-Mars tardait, Marion s'inquiétait. Empêchement d˚ au Roi ne pouvant se séparer d'un favori parfois même pour la nuit, ce qui jetait ledit favori dans les basses-fosses du dégo˚t. Le Roi puait de la gueule pis qu'un de ses chiens courants qu'il préférait aux femmes et Cinq-Mars s'en plaignait, s'enduisant le corps d'huile et d'es-sences d'Orient pour vaincre cette odeur d'haleine malade. Ou bien, et là Marion tremblait, Monsieur le Grand encore trempait dans un complot. Il en avait un en train, la chose était s˚re. Elle avait surpris des regards avec François de Thou, vilain rousseau mais fidèle ami, un billet abandonné en un pourpoint et signé de Fontrailles o˘ était tracé le nom de Monsieur, dangereuse engeance. Et souvent Cinq-Mars prononçait celui du duc de Bouillon, prince souverain de Sedan, et qui donc ne risquait rien et pouvait tout se permettre. Aussi la présence amicale de

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