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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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de familière
amitié, comblé d’autant de pièces d’étoffes pour les robes de son épouse, et de
petits sacs d’or pour lui-même. Néanmoins il était fatigué, parce que Robert
harcelait son monde et que la vitalité de cet homme était tout bonnement
épuisante.
    D’abord Monseigneur Robert était
presque toujours debout. Sans arrêt il arpentait son cabinet, entre les hautes
figures de saints. Maître Tesson ne pouvait décemment s’asseoir en présence de
si grand personnage qu’un pair de France. Or les notaires ont l’habitude de
travailler assis. Maître Tesson peinait donc à soutenir son sac de cuir noir
qu’il n’osait poser sur les brocarts, et dont il extrayait les pièces l’une
après l’autre ; il redoutait d’achever ce procès avec un mal de reins pour
la vie.
    — J’ai vu, dit-il répondant à
la question de Robert, l’ancien bailli Guillaume de la Planche, qui est
présentement détenu au Châtelet. La dame de Divion était allée le visiter
auparavant ; il a bien témoigné comme nous l’attendions. Il demande que vous
n’oubliez point de parler à messire Miles de Noyers pour sa grâce, car son
affaire est mauvaise et il risque fort d’être pendu [11] .
    — Je veillerai à ce qu’on le
relâche ; qu’il dorme tranquille. Et Simon Dourier, l’avez-vous
entendu ?
    — Je ne l’ai pas entendu
encore, Monseigneur, mais je l’ai approché. Il est prêt à déclarer par-devant
les commissaires qu’il était présent le jour de 1302 où le comte
Robert II, votre grand-père, peu avant de défunter, dicta la lettre qui
confirmait votre droit à l’héritage d’Artois.
    — Ah ! Fort bien, fort
bien.
    — Je lui ai promis aussi qu’il
serait repris dans votre hôtel et pensionné par vous.
    — Pourquoi en avait-il été
chassé ? demanda Robert.
    Le notaire esquissa le geste courbe
de quelqu’un qui met de l’argent dans sa poche.
    — Bah ! s’écria Robert, il
est vieux à présent, il a eu le temps de se repentir ! Je lui donnerai
cent livres l’an, le logement, et les draps.
    — Manessier de Lannoy
confirmera que les lettres soustraites furent brûlées par Madame Mahaut… Sa
maison, comme vous le savez, allait être vendue pour payer ses dettes aux
Lombards ; il vous a grande grâce de lui avoir conservé un toit.
    — Je suis bon ; cela ne se
sait pas assez, dit Robert. Mais vous ne m’apprenez rien sur Juvigny, l’ancien
valet d’Enguerrand ?
    Le notaire baissa le nez d’un air
coupable.
    — Je n’en obtiens rien,
dit-il ; il refuse ; il prétend qu’il ne sait pas, qu’il ne se
souvient plus.
    — Comment ! s’écria
Robert, je suis allé moi-même au Louvre, où il est pensionné pour faire bien
peu, et je lui ai parlé ! Et il s’obstine à ne pas se souvenir ?
Voyez donc si on ne peut le mettre un peu à la question. La vue des tenailles
l’aidera peut-être à dire la vérité.
    — Monseigneur, répondit le
notaire tristement, on tourmente les prévenus, mais pas encore les témoins.
    — Alors apprenez-lui que, si la
mémoire ne lui revient pas, ses gages seront supprimés. Je suis bon ;
encore faut-il qu’on m’y aide.
    Il saisit un chandelier de bronze
qui pesait bien quinze livres et le fit sauter, tout en marchant, d’une main dans
l’autre.
    Le notaire pensa à l’injustice
divine qui accorde tant de force musculaire à des gens qui ne l’emploient que
pour s’amuser, et si peu aux pauvres notaires qui ont leur lourd sac de cuir
noir à porter.
    — Ne craignez-vous pas,
Monseigneur, si vous supprimez à Juvigny ses gages, qu’il ne puisse les
retrouver de la main de la comtesse Mahaut ?
    Robert s’arrêta.
    — Mahaut ? s’écria-t-il,
mais elle ne peut plus rien ; elle se terre, elle a peur. L’a-t-on vue à
la cour ces temps-ci ? Elle ne bouge plus, elle tremble, elle sait qu’elle
est perdue.
    — Dieu vous entende,
Monseigneur, Dieu vous entende. Certes, nous gagnerons ; mais cela n’ira
pas sans encore quelques petites traverses…
    Tesson hésitait à continuer, non
tant par crainte de ce qu’il avait à dire qu’à cause du poids du sac. Encore
cinq ou dix minutes à rester debout.
    — J’ai été avisé, reprit-il,
que nos gens d’enquête sont suivis en Artois, et nos témoins visités par
d’autres que par nous. En outre, ces temps-ci, il y a eu certain va-et-vient de
messagers entre l’hôtel de Madame Mahaut et Dijon. On a vu sa porte passée par
divers

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