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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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à
Philippa :
    — Te souviens-tu, ma mie, c’est
ici que nous nous sommes épousés… Ah ! je t’ai conviée à un bien triste
règne !
    Placide et réfléchie, Philippa
prenait l’événement avec moins de passion ; mais, assez prude, elle
jugeait.
    — De telles choses, dit-elle,
ne se verraient point à la cour de France.
    — Ah ! ma mie… Et les
adultères de vos cousines de Bourgogne ?… Et vos rois empoisonnés ?
    Du coup, la famille capétienne
devenait celle de Philippa, comme s’il n’en était pas lui-même tout également
descendu.
    — En France on est plus
courtois, répondit Philippa, moins affiché dans ses désirs, moins cruel en ses
rancunes.
    — On est plus dissimulé, plus
sournois. On préfère le poison au fer…
    — Vous, vous êtes plus brutaux…
    Il ne répondit pas. Elle craignit de
l’avoir offensé, étendit vers lui un bras rond et doux.
    — Je t’aime fort, mon ami,
dit-elle, car toi tu ne leur es point semblable…
    — Et ce n’est pas seulement la
honte, reprit Édouard, mais aussi le danger…
    — Que veux-tu dire ?
    — Je veux dire que Mortimer est
bien capable de nous faire tous périr, et d’épouser ma mère afin de se faire
reconnaître régent et de pousser son bâtard au trône…
    — C’est chose folle à
penser ! dit Philippa.
    Certes, une telle subversion qui
supposait le reniement de tous les principes, à la fois religieux et
dynastiques, eût été, dans une monarchie ferme, proprement inimaginable ;
mais tout est possible, et même les plus démentes aventures, dans un royaume
déchiré et abandonné à la lutte des factions.
    — Je m’en ouvrirai demain à
Montaigu, dit le jeune roi.
    En arrivant à Nottingham, Lord
Mortimer se montra particulièrement impatient, autoritaire et nerveux, parce
que John Wynyard, sans pouvoir percer la teneur des entretiens, avait surpris
de fréquents colloques, dans la dernière partie du trajet, entre le roi,
Montaigu et plusieurs jeunes Lords.
    Mortimer s’emporta contre sir
Édouard Bohun, le vice-gouverneur, lequel, chargé d’organiser le logement, et
n’agissant d’ailleurs que selon l’habitude, avait prévu d’installer les grands
seigneurs dans le château même.
    — De quel droit, s’écria
Mortimer, avez-vous, sans en référer à moi, disposé d’appartements si proches
de ceux de la reine mère ?
    — Je croyais, my Lord, que le
comte de Lancastre…
    — Le comte de Lancastre, ainsi
que tous les autres, devra loger à un mille au moins du château.
    — Et vous-même, my Lord ?
    Mortimer fronça les sourcils comme
si cette question constituait une offense.
    — Mon appartement sera à côté
de celui de la reine mère, et vous ferez remettre à celle-ci, par le constable,
les clés du château, chaque soir.
    Édouard Bohun s’inclina.
    Il est parfois des prudences
funestes. Mortimer voulait éviter qu’on commentât l’état de la reine
mère ; il voulait surtout isoler le roi, ce qui permit aux jeunes Lords de
s’assembler et de se concerter beaucoup plus librement, loin du château et des
espions de Mortimer.
    Lord Montaigu réunit ceux de ses
amis qui lui paraissaient les plus résolus, garçons pour la plupart entre vingt
et trente ans : les Lords Molins, Hufford, Stafford, Clinton, ainsi que
John Nevil de Horneby et les quatre frères Bohun, Édouard, Humphrey, William et
John, celui-ci étant comte de Hereford et Essex. La jeunesse formait le parti
du roi. Ils avaient la bénédiction d’Henry de Lancastre, et davantage même
qu’une bénédiction.
    De son côté Mortimer siégeait au
château en compagnie du chancelier Burghersh, de Simon Bereford, de John
Monmouth, John Wynyard, Hugh Turplington et Maltravers, les consultant sur les moyens
d’empêcher le développement d’une nouvelle conjuration.
    L’évêque Burghersh sentait le vent
tourner et se montrait moins ardent à la sévérité ; se couvrant de sa
dignité ecclésiastique, il prêchait l’entente. Il avait su, naguère, glisser à
temps du parti Despenser au parti Mortimer.
    — Assez d’arrestations, de
procès et de sang, disait-il. Peut-être que quelques satisfactions allouées en
terres, argent ou honneurs…
    Mortimer l’interrompit du
regard ; son œil, à la paupière coupée droit, sous le massif du sourcil,
faisait encore trembler ; l’évêque de Lincoln se tut.
    Or, à la même heure, Lord Montaigu
réussissait à s’entretenir en privé avec

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