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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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fait
fouiller les lois et les coutumes, utilisé le faux témoignage, la falsification
d’écritures, le meurtre, même, et qu’on a le roi pour beau-frère, et qu’encore
on ne tient pas la victoire, n’y a-t-il pas, certains jours, motif à
désespérer ? Changeant d’attitude, Béatrice vint s’agenouiller devant lui,
soudain câline, soumise et tendre, comme si elle voulait à la fois consoler et
se blottir.
    — Quand donc mon gentil seigneur
Robert me prendra-t-il en son hôtel ? Quand me fera-t-il dame de parage de
sa comtesse, comme il me l’a promis ? Regarde la bonne chose que ce
serait ! Toujours près de toi, tu pourrais m’appeler à ton gré… je serais
là pour te servir et veiller sur toi mieux qu’aucune. Quand donc ?
    — Quand mon procès sera gagné,
dit-il comme chaque fois qu’elle revenait sur la question.
    — Du train qu’il va, ce procès,
je pourrai bien attendre d’avoir les cheveux blancs.
    — Quand il sera jugé, si tu
préfères. C’est chose dite, et Robert d’Artois n’a qu’une parole. Mais
patience, que diable !
    Il regrettait bien d’avoir dû,
naguère, lui faire miroiter ce projet. À présent il était fermement décidé à
n’y jamais donner suite. Béatrice en l’hôtel de Beaumont ? Quel trouble,
quelle fatigue, et quelle source d’ennuis !
    Elle se releva, alla tendre les
mains au feu de tourbe qui brûlait dans la cheminée.
    — De la patience, j’en ai eu
assez, je crois, dit-elle sans hausser la voix. D’abord, ce devait être après
la mort de Madame Mahaut ; ensuite, après la mort de Madame Jeanne la
Veuve. Elles sont mortes, il me semble, et le bout de l’an va en être bientôt
chanté en église… Mais tu ne veux pas que j’entre en ton hôtel… Une putain
traînée comme la Divion, qui fut maîtresse de mon oncle l’évêque, et qui t’a
fabriqué de si bonnes pièces qu’un aveugle les verrait fausses, a le droit,
elle, de vivre à ta table, de se pavaner à ta cour…
    — Laisse donc la Divion. Tu
sais bien que je ne garde cette sotte menteuse que par prudence.
    Béatrice eut un bref sourire. La
prudence !… Avec la Divion, parce qu’elle avait fait cuire quelques
sceaux, il fallait user de prudence. Mais d’elle, Béatrice, qui avait envoyé
deux princesses en tombe, on ne redoutait rien, et on pouvait la payer
d’ingratitude.
    — Allons, ne te plains pas, dit
Robert. Tu as le meilleur de moi. Si tu étais en ma maison, je te pourrais
sûrement moins voir, et avec moins d’abandon.
    Il était bien gonflé de soi,
Monseigneur Robert, et il parlait de ses présences comme de cadeaux sublimes
qu’il daignait accorder !
    — Alors si c’est le meilleur de
toi que j’ai, que tardes-tu à me le donner… répondit Béatrice de sa voix
traînante. Le lit est prêt.
    Et elle montrait la porte ouverte
sur la chambre.
    — Non, ma petite mie ; il
me faut à présent retourner au Palais et y voir le roi, en secret, pour
contrebattre la duchesse de Bourgogne.
    — Oui, certes, la duchesse de
Bourgogne… répéta Béatrice en hochant la tête d’un air entendu. Alors, est-ce
demain que je dois attendre le meilleur ?
    — Hélas, demain je dois partir
pour Conches et Beaumont.
    — Et tu y resteras… ?
    — Fort peu. Deux semaines.
    — Tu ne seras donc point là
pour la fête de l’an neuf ? demanda-t-elle.
    — Non, ma belle chatte ;
mais je te ferai présent d’un bon fermail de pierreries pour décorer ta gorge.
    — Je m’en parerai donc pour
éblouir mes valets, puisque ce sont les seules gens que je voie.
    Robert aurait dû se méfier
davantage. Il est des jours funestes. À l’audience, ce 14 décembre, ses pièces
avaient été protestées si fermement par le duc et la duchesse de Bourgogne que
Philippe VI en avait froncé le sourcil par-dessus son grand nez, et
regardé son beau-frère avec inquiétude. C’eût été l’occasion d’être plus
attentif, de ne pas blesser, justement ce jour-là, une femme telle que Béatrice,
de ne pas la laisser, pour deux semaines, insatisfaite de cœur et de corps. Il
s’était levé.
    — La Divion part-elle dans ta
suite ?
    — Eh oui ! mon épouse en a
décidé de la sorte.
    Une bouffée de haine souleva la
belle poitrine de Béatrice, et ses cils firent une ombre ronde sur ses joues.
    — Alors, Monseigneur Robert, je
t’attendrai comme une servante aimante et fidèle, prononça-t-elle en lui
présentant un visage souriant.
    Robert

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