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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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défendre les terres de Dieu ; Louis n’y vit qu’un signe pour l’amener à rentrer en grâce. Lors des fêtes de Noël à Bourges, en cette année 1145, dressés en bout de table du banquet, les époux royaux annonçaient haut et fort leur intention de prendre la croix, soulevant un frisson de surprise dans l’assistance.

15
     
     
    Étienne de Blois, roi d’Angleterre, s’inclina devant ce messager inattendu. Il avait pour habitude de recevoir un des moines de l’abbé Suger, qui le tenait informé des événements du royaume de France. Mais il ne savait brusquement quelle attitude adopter devant ce visage angélique et ce port de reine. Si Béatrice de Campan s’amusa de cette gêne, elle ne s’en troubla pas. Depuis quelques mois, Suger lui avait confié une autre mission, qui l’éloignait du roi certes, mais grandissait son influence. Elle intriguait pour la cause.
    – Allons, Votre Majesté, servez-nous donc à boire. Une affaire d’importance m’amène, qui ne souffre pas de civilités intempestives.
    – Vous m’en voyez comblé, dame de Campan.
    Il saisit son eau-de-vie de prunelle qui désormais ne le quittait plus, où qu’il se trouve. Cette donzelle portait beau, mais il allait lui montrer la supériorité de l’homme. Il lui tendit un gobelet d’argent incrusté de pierreries, un sourire moqueur au coin des lèvres, qu’il ponctua d’un secourable :
    – Votre beauté m’égare. Sans doute préférez-vous quelque liqueur plus douce au palais d’une dame. C’est que j’ai rarement en ce cabinet autre visite que celle d’hommes d’Eglise.
    Béatrice prit avec grâce ce qu’on lui offrait.
    – Ne changez rien, messire.
    Levant son verre, elle l’invita à en faire autant. Étienne de Blois s’en amusa et posa ses lèvres sur le bord du gobelet. Il faillit s’étrangler à la première goulée. Béatrice avait vidé son verre d’un trait, sans le quitter des yeux, sans même sourciller, et, selon l’usage montagnard, passait d’un geste gracieux un revers de sa manche mauve incrustée de fils d’or sur sa bouche gourmande.
    – Par tous les saints ! Vous m’impressionnez ! Est-ce au contact de ce vieux chacal d’abbé que vous avez ainsi conquis ce tempérament ?
    –  Que nenni, messire, que nenni ! Simplement un vieil oncle pyrénéen qui buvait à la régalade. Et de fait cet alcool est fort savoureux ! Permettez que j’en redemande ?
    Étienne hocha la tête, encore sous le coup de la surprise. Béatrice s’empara de la bouteille et remplit à ras son gobelet vide.
    – Là, messire. Cette course à cheval m’avait quelque peu défaite, et, à votre contraire, je ne promène pas ma gourde à chaque déplacement.
    Étienne de Blois tiqua. Il savait que cette réputation, fort justifiée, avait transpiré par Suger, mais il n’aima pas cette bravade, d’autant plus que cette donzelle lui fouettait le sang par ses atours plus qu’alléchants.
    – Venons-en au fait, voulez-vous ?
    Béatrice lui fit face. Étienne de Blois était laid, vulgaire et rude, mais, sans qu’elle sût pourquoi, il lui plaisait. « L’ange et le démon », pensa-t-elle. Elle sortit un bref de son mantel, qu’elle tendit en souriant.
    Le roi d’Angleterre le décacheta et s’approcha de la fenêtre pour le déchiffrer. Il venait de Suger, ainsi qu’il s’en doutait. Après une rapide lecture, l’homme éclata d’un rire mauvais.
    – Ainsi ce vieux chacal s’est décidé !
    – Je vous saurais gré, messire, de bien vouloir employer un autre qualificatif pour désigner un homme d’Église, qui de plus s’avère être mon tuteur et fort saint homme, modéra Béatrice.
    – Eh bien, peste soit de ce saint homme qui réprime vertement toutes mes initiatives ! rétorqua le comte de Blois en ajoutant, l’œil vif : Il est desséché par l’ambition autant que je suis bouffi !
    – Si vous usez de celle-ci comme de cette eau-de-vie…, lança Béatrice, appuyant son regard sans complaisance sur la silhouette flasque de son hôte.
    Etienne de Blois vit rouge. Il se précipita sur elle dans un mouvement d’humeur qui fit chuter à terre la feuille de parchemin. Béatrice ne broncha pas. Elle avait l’habitude de ces tempéraments et carrures, elle avait grandi au milieu d’eux. Comme elle s’y attendait, d’avoir gardé sa position, le comte se trouva désemparé dès qu’il fut sur elle.
    – Cessez ce jeu, messire, murmura Béatrice en posant son

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