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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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la chambre. Aliénor, aidée d’une chambrière, achevait de se vêtir. Elle maugréait contre la pauvre enfant qui n’allait pas assez vite, s’y prenait comme une gourde.
    – Ah, te voilà ! Cela fait plus d’une heure que je te fais chercher ! On se donne le mot dans cette maison pour blesser mon content ! Assez ! Tu me piques ! Dehors ! Dehors, j’irai plus vite sans toi !
    La petite figure ronde de Marjorie se voila. Elle était au bord des larmes et tremblait comme un jonc.
    – Laisse-nous, Marjorie. J’achèverai de parer la reine, lui dis-je posément.
    La petite hocha la tête, la gorge nouée, et s’esquiva. J’entendis le bruit d’un sanglot derrière la porte. Je soupirai.
    – Hâte-toi de serrer ces lacets. Je dois voir le roi !
    Je croisai avec douceur les fils d’argent sous sa poitrine.
    – Tu ne le verras pas, Aliénor, il ne sert à rien de te mettre en pareille sueur. Ce n’est pas bon pour l’enfant.
    – Allons ! J’ai plus de lait qu’il ne m’en faut pour la nourrir. Que Louis le veuille ou non, je jure par Dieu qu’il me recevra !
    – Sans doute… lorsqu’il reviendra, laissai-je tomber en ajustant sa taille.
    Elle blêmit :
    – Le roi est absent ? On ne m’en a pas informée.
    – Il est parti il y a peu, au dire de Suger que j’ai croisé en accourant. Une affaire à régler à Chartres. Denys et quelques hommes l’accompagnent.
    – Le fourbe, le traître, l’infâme !
    Elle arracha d’un geste vif les lacets qui l’étouffaient dans sa colère.
    – Calme-toi, ma reine, tu n’y peux rien changer.
    – Il a reconduit Bernard lui-même pour que je ne puisse seulement lui dire adieu ! Il m’a bafouée, il m’a…
    Elle éclata en sanglots convulsifs, en se jetant contre ma poitrine.
    – Et que croyais-tu donc ? Qu’il allait ainsi laisser égratigner son honneur au fi de la rumeur grandissante ? Trop de gens savent ton affection pour Bernard de Ventadour et il ne se passe pas de jour où il ne vienne voir Marie pour lui chanter quelque berceuse. Louis a agi comme il le devait. Il s’est comporté en roi… Tu lui reprochais bien assez d’être un moine ! Te courrouceras-tu du fait qu’il se sente homme enfin ?
    – Il ne me désire plus, il ne m’adore plus ! Suis-je desséchée au point de n’attirer plus le regard ? Bernard me chantait ma beauté de femme. Sa passion me nourrissait. Que me reste-t-il aujourd’hui ?
    Je souris. Pour la première fois, ma reine était amoureuse. Je la serrai tendrement contre moi et répondis au creux de son oreille :
    – Marie… Et un grand projet.
    Elle redressa la tête, elle avait les yeux rouges et de gros sillons sur ses joues empâtées par la grossesse. Elle marqua un temps d’absence comme si elle cherchait dans ses souvenirs une raison de croire en demain. Quelque chose de plus violent que cette peur de solitude.
    – Marie…, répéta-t-elle.
    L’enfant dormait auprès du lit de sa mère. C’était un bébé joufflu d’un calme qui ne cessait de me surprendre, moi qui me rappelais surtout le caractère braillard et capricieux d’Henri. Les lamentations d’Aliénor n’avaient même pas eu raison de sa quiétude. Aliénor se dégagea et pencha sa tête au-dessus du berceau, un sourire attendri au milieu de ses larmes qui s’épanchaient toujours. Sa colère était tombée à présent. Je m’approchai aussi. La petite suçait son pouce, les rêves contents.
    – Elle est belle, n’est-ce pas ? constata la reine.
    – Très belle.
    Je savais à quoi elle pensait. Ce grain de beauté sur la joue au-dessus de l’œil gauche de l’enfant, gros comme une pointe de plume de moineau. Bernard de Ventadour possédait la même marque au même endroit.
    – Tu l’aimeras à travers Marie…
    Elle leva son regard, heureuse de se sentir comprise. Elle tempéra :
    – Cela suffira-t-il à ma pitance ?
    – Sans doute pas. Mais le destin nous conduit, Aliénor. Prends patience. Bientôt, je te le promets, tu auras d’autres joies d’exister.
    – Puisse Dieu t’entendre, murmura-t-elle dans un soupir las.
    Les événements n’allaient pas tarder à me donner raison.
    Quelques jours plus tard, on apprenait qu’Édesse, cité de Terre sainte, était tombée entre les mains de Zanki, gouverneur d’Alep et de Mossoul. Brandissant son courage comme un étendard, Aliénor rappela à Louis l’engagement qu’avait fait avant lui son frère aîné défunt, de

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