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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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mes prunelles :
    – Je ne doute point qu’ils soient à même de lui infliger quelques pertes sévères, quant à défaire le roi, il faudrait qu’ils puissent franchir sa garde et l’affaiblir par le flanc. L’armée de France est bien organisée. Non, Votre Illustrissime, vous savez que la tête de Louis VII est au prix de ma trahison.
    – Que m’offrez-vous en échange de ce pacte ?
    Un frisson de dégoût me parcourut.
    – L’assurance que vous vendrez un bon prix à vos chers amis l’information que je vous donne.
    Il se leva et s’avança vers moi comme un félin. Je me redressai de même et, drapée de toute ma résolution, ne bronchai pas lorsqu’il s’arrêta à quelques centimètres de mon buste. Sûr de son pouvoir, il m’enlaça tendrement et chercha ma bouche, mais je le repoussai fermement.
    – Si l’honneur que vous me faites est bien grand, Votre Illustrissime, je n’ai pas pour habitude de mêler les jeux de l’amour aux affaires.
    Et je me dirigeai résolument vers la porte pour sortir. Il me retint par le bras.
    – Nous n’en avons pas fini, vous et moi.
    Le ton était perlé de dureté. Le basileus n’avait pas coutume qu’on lui refuse quoi que ce soit. Je me retournai lentement et, armée de mon plus charmant sourire, lui lançai :
    – Je m’en tiendrai à cet engagement qui mettra le roi à merci, je vous laisse soin d’en faire usage. Cela me suffit pour ma part. Il est fort tard, souffrez qu’après cette journée je prenne une nuit de repos.
    – Si vous m’assurez de revenir quelque autre soir dès lors que je vous enverrai chercher.
    Sa poigne me broyait le coude, et son regard brillait de colère, même si le ton demeurait trompeur. Sottement, je préférai l’honnêteté :
    – N’insistez pas, Votre Illustrissime. Autant j’ai un immense plaisir à nos échanges de vues en matière d’astrologie ou de théologie, autant et contrairement à la réputation que l’on fait des dames de France, je n’appartiens qu’à un seul et ce ne peut être vous.
    – Les Comnène prennent toujours ce qu’il désirent !
    D’un geste violent, il m’attira contre lui. Ma main s’envola dans le même élan, et une gifle retentissante lui égratigna le visage. Surpris par la force que j’avais déployée, il me lâcha. Je reculai jusqu’aux tentures, et lui lançai effrontément avant de disparaître derrière elles :
    – Apprenez qu’en France un arrangement ne vaut que lorsque les deux parties y ont intérêt. Que le sommeil vous soit doux, Majesté !
     
    Je retrouvai sans peine mon chemin jusqu’au Philopation éclairé par une lune ronde comme une orange. L’aube ne tarderait point. D’un pas décidé, je me dirigeai vers l’endroit où étaient logés les troubadours. Cette fois, je voulais parler à Jaufré, mes actes étaient trop lourds pour moi seule, et il avait le droit de savoir.
    Je n’eus pas besoin d’aller jusqu’à sa chambre. Il attendait, adossé contre un arbre, le visage sombre, sans doute inquiet de ce que je pouvais faire chez le basileus. Me reconnaissant, il sortit de l’ombre qui l’enveloppait. Je me dirigeai vers lui.
    – Viens, lui dis-je doucement.
    Mon cœur brûlait d’une infinie tendresse. Je lui pris la main et l’entraînai jusqu’au sommet de la falaise formée par les remparts. Le Bosphore à nos pieds ronronnait comme un jeune chat enveloppé de reflets d’argent et de pourpre. On eût dit une parure de pierres précieuses. Je m’assis, les pieds ballants, sur le parapet, il entoura mes épaules de son bras. J’étais lasse.
    – Regarde, murmurai-je, le fleuve est dans un écrin de douceur. Le temps est venu où je n’ai plus à me taire, Jaufré. Je t’aime comme jamais je n’aurais cru que l’on puisse aimer. Jamais un autre ne pourra prendre cette place, jamais un autre ne pourra me donner plus de bonheur que ton regard sur mes joues et tes lèvres sur les miennes. Regarde-moi, prince de Blaye, chair de ma vie, et pardonne-moi de n’être pas celle dont tu fais tes chansons. Rien n’est ce que tu imagines, Jaufré. En vérité, je ne suis pas seulement une dame de compagnie de la reine. J’intrigue à la cour de France pour le comte d’Anjou et le royaume d’Angleterre. Ce soir, je viens de trahir mon roi.
    Je m’attendais à des questions, à un mouvement de sa part, mais il ne dit mot. J’enchaînai dans un soupir résigné :
    – Dans quelques semaines, Louis

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