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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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restait que le devoir. Et lui seul ne pouvait suffire désormais. Je me sentis apaisée. Rien n’était encore perdu pour l’Angleterre.
    La longue route reprit. Le 7 mars 1148, nous arrivâmes à Adalia où Louis prit la décision de se rendre à Antioche par mer. Jamais avec un convoi aussi lourd nous n’aurions pu traverser par la terre. À contrecœur, il envoya des messagers à Constantinople pour obtenir des vaisseaux. Comnène lui en promit, mais une fois encore ne livra que la moitié de ceux prévus et payés. Il expliqua que les autres allaient suivre et, force étant de se plier au dire de ce fourbe, l’ost se scinda en deux groupes. Le roi, Aliénor et la plupart des chevaliers s’embarquèrent. Les autres, éreintés et affaiblis, choisirent d’attendre. Sibylle de Flandres fut de ceux-là pour demeurer auprès de son époux blessé.
    Avec Jaufré, Geoffroi de Rançon, Béatrice de Campan, ainsi que cinq cents autres dont les troubadours si indispensables au cœur d’Aliénor, je fus du premier voyage.
    En voyant les mains de nos compagnes escorter notre départ de grands gestes chaleureux depuis le quai, j’eus le sentiment que nous ne les reverrions pas. Mais avions-nous le choix ? Cela faisait déjà cinq mois que nous avions quitté le basileus. Nous ne pouvions tarder davantage.
    Je m’installai à côté d’Aliénor et détachai mon regard de la côte. Nous voguions vers la Syrie et je savais qu’elle n’avait en cet instant qu’une seule pensée : son oncle Raymond. Raymond qui l’attendait à Antioche.

5
     
     
    Antioche était un jardin. Un somptueux jardin de délices. Raymond de Poitiers y avait implanté un peu de la superbe des siens, avec cette chaleur propre aux gens du Midi. Aliénor s’y sentit tout de suite chez elle. Quant à leurs retrouvailles, elles furent à la mesure de son attente. Raymond avait mûri, ses épaules s’étaient élargies et, pour ne l’avoir connu que dans le souvenir d’Aliénor, je décelai sans difficulté en lui l’homme qui l’avait fait se pâmer. Son épouse, cette Constance qui lui avait servi d’échappatoire, était jolie, assurément. Même Aliénor fut obligée de le reconnaître. En outre, elle était fine et intelligente. Il n’avait pas dû être difficile de s’y attacher.
    Pourtant, il suffisait de regarder Raymond à la dérobée pour se rendre compte que, sous son apparente légèreté, il vibrait de chacune des œillades qu’Aliénor lui lançait au cours d’une conversation des plus protocolaire. Non, Raymond n’avait pas oublié, ni le goût, ni la verve, ni la passion qu’il sentait sous cette gorge qui avait pris de l’ampleur. Quant à mon amie… Je connaissais trop cette fossette au coin de sa joue et cette étincelle dans sa prunelle.
    En cet instant où nous étions attablés et discutions de politique, Aliénor se demandait combien de temps il faudrait à Raymond pour gommer en lui jusqu’au nom même de Constance. C’était comme si toutes ces années étaient effacées d’un coup par le souvenir de ces jeux d’enfant où elle poursuivait Raymond dans les couloirs de l’Ombrière, traquant le moindre de ses souffles pour s’en faire aimer. Le jeu reprenait, peut-être parce que depuis trop longtemps Aliénor avait cessé de vibrer, peut-être parce qu’elle sentait sous le torse épais de son oncle brûler la même passion qu’autrefois.
    Bernard de Ventadour était un bon amant, mais trop sage, trop courtois. Elle l’aimait, certes, mais jamais elle n’avait ressenti pour aucun homme que Raymond ce sentiment bestial qui pousse un corps vers un autre. Et je savais qu’elle ne partirait pas d’Antioche avant de l’avoir assouvi encore une fois.
    Je n’étais pas la seule à guetter les signes de cette complicité. Béatrice allait de l’un à l’autre, et, fine comme elle l’était, je compris qu’elle aussi savait. Louis l’avait fait installer non loin de lui et se tournait aussi fréquemment vers elle que vers la reine, donnant plus de chaleur dans ses propos à l’une qu’à l’autre. De sorte que, si l’on n’avait su qui était la reine de France tant son panache était étincelant, certains auraient pu se méprendre.
    À mesure que la soirée s’avançait, un plan germait dans mon esprit avec cette voix qui ne me quittait pas et qui répétait : « Ne sous-estime pas les pouvoirs de l’amour. » Plus le temps passait sur elle et plus j’en comprenais le sens. Louis

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