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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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tout début était le verbe.
    – Mais l’Église…, bredouillai-je. N’est-elle pas trahison de cet amour ?
    – Les hommes sont folie et périront de leurs actes. Toi, tu es différente, par ce que tu sais ainsi que les tiens. Ne trahis pas ce qu’ils t’ont enseigné.
    – Je ne sais plus rien de ce que je suis.
    – Reviens aux origines et tu retrouveras ta foi.
    – Quelle foi ? Celle du Dieu des chrétiens ou celle des druides ? Sans parler de cet Allah vengeur que brandissent les Turcs !
    – Celle de ton cœur, celle qui croit en l’homme et ne se sert pas d’un Dieu pour excuser ses faiblesses. L’univers est construit de force et d’énergie. Tu es une partie infime de cet univers. Quel que soit le nom que tu lui donnes, son énergie est au service de l’homme, tant que l’homme ne l’utilise pas pour se détruire et détruire ses frères.
    – Et Louis ?
    – Louis a fait appel à cette force, et c’est lui-même qui l’a générée pour empêcher la mort de celle qu’il aime. Ne sous-estime pas le pouvoir de l’amour. Ne te perds pas, Loanna de Grimwald, ou c’est la mémoire de cette terre qui sera perdue.
    La lumière s’évanouit doucement, et je restai seule face à mes doutes.
    – Je te cherchais. J’étais inquiet.
    Jaufré fut là soudain. Il s’assit à mes côtés et me prit la main. Sa chaleur me fit du bien.
    – Quelle était cette lumière ? Je ne te trouvais pas et soudain j’ai vu cet endroit qui semblait rayonner de soleil. J’ai su que tu étais là. C’est comme si quelqu’un m’avait guidé.
    – Je t’aime, répondis-je simplement en me souvenant des dernières paroles de mon visiteur.
    – C’est un peu court comme explication, s’amusa Jaufré, mais je m’en contenterai.
    – Je me suis égarée, j’ai mis un pied dans la laideur du monde. Mère n’est plus et l’Angleterre est un port que dame Mathilde cherche à atteindre non plus au nom des anciennes traditions et pour le bien de son peuple, mais pour sa seule ambition. Je n’aurais jamais dû accepter que la mort de Louis en soit le prix. J’ai manqué de discernement. J’ai trahi les miens. Et perdu Denys.
    – Mais je suis là…
    Jaufré me regardait avec amour et tendresse. Je lui souris :
    – Tu es là ? mon aimé, mais sais-tu seulement le poids de mon engagement ? Je ne pourrai être libre de mes choix que lorsque mon destin sera accompli, et celui-ci a basculé dans ces gorges. Aliénor est toujours l’épouse du roi de France quand l’Angleterre attend qu’elle lui donne un héritier.
    – Crois-tu que ce soit véritablement là la route qu’elle doive suivre ?
    – L’enfant se nommera Richard, et ranimera au cœur des hommes la bannière d’espoir qui manque à son peuple, je le sais depuis toujours. Mais sans moi, rien, tu entends, rien ne peut se construire.
    – Alors, faisons confiance à la foi qui te porte.
    – Quel qu’en puisse être le prix ? demandai-je doucement.
    – Tu as déjà payé, me rassura Jaufré en posant un baiser sur mes lèvres.
    Mais quelque chose en moi ne parvenait pas à le croire.
     
    Nous restâmes cinq jours sur ce plateau d’où l’on pouvait voir venir toute attaque, mais les Turcs ne se montrèrent pas. On enterra nos morts et soigna les blessés, afin qu’ils puissent reprendre la route. Geoffroi de Rançon prit sur lui seul la responsabilité de l’initiative qui avait failli perdre l’armée chrétienne, expliquant tant bien que mal qu’il y avait eu confusion et qu’il était persuadé que l’ordre avait été de passer avant le lendemain. Le roi refusa qu’on le condamne. Il avait besoin d’hommes d’action, et le condamner c’était monter les Aquitains, en nombre dans les rangs, contre les siens. Cela aurait été une erreur de tactique qu’il ne pouvait se permettre. Toutefois, l’on garda rancune à Aliénor et à ses féaux d’avoir, par leur initiative malheureuse, manqué perdre le roi. Le Nord et le Sud étaient revenus à leurs anciennes querelles. Louis ignora Aliénor, et, pendant ces jours où chacun eut à faire pour réparer les dégâts, ils ne se croisèrent que par obligation ou hasard. Par contre, sur ses traces sans cesse, Béatrice de Campan suivait, silencieuse. Elle semblait transformée. Peut-être cet étrange ancêtre avait-il eu raison de me rappeler de ne point sous-estimer l’amour. Par lui seulement les choses devaient être. Entre Louis et Aliénor, il ne

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