Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
m’ôter de l’idée le visage souriant de Sibylle de Flandres. Et l’étonnante sensation qu’elle était encore en vie. Sans doute parce que je m’étais attachée à ses petits cris de terreur que les entraînements de Denys avant le départ avaient transformés en grognements de rage, comme à ses jeux de mots délicats qu’elle ponctuait de carmin sur ses joues diaphanes.
    Quoi qu’il en fût, cette révélation nous laissa maussades et amers.
     
    – Qu’y a-t-il, Loanna ?
    Je m’étais redressée dans ma couche, réveillant Jaufré à mes côtés. Le bruit avait dû se répéter, pour en arriver à me tirer du sommeil. C’était comme un raclement tout près de ma porte. Je me levai, bien décidée à déterminer ce qui le provoquait. Je passai un vêtement sur ma peau nue et ouvris la porte, qui grinça sur ses gonds. Le corridor était sombre. On avait mouché toutes les torchères sauf une, qui répandait un halo vacillant sans toutefois pénétrer l’obscurité jusqu’à moi. C’est alors que quelque chose m’agrippa les chevilles, m’arrachant un cri de surprise.
    La pression n’avait duré que quelques secondes, et, tandis que Jaufré surgissait à mes côtés, je découvris le malheureux étendu au seuil de ma porte.
    – Aide-moi, ordonnai-je à mi-voix.
    Tous deux, nous traînâmes le corps d’épaisse stature jusqu’en ma chambre. Jaufré se hâta d’allumer les chandelles, me dévoilant les traits du visage qui râlait. Un frisson me glaça l’échine.
    Aldebert de Montreuil, un des proches d’Étienne de Blois ! Que diable venait-il faire dans cette aile ? Si près de ma porte ? Il avait reçu une méchante blessure au flanc. L’homme était perdu, il n’était même plus assez conscient pour raconter sa mésaventure. Je reçus le dernier de ses râles contre mon épaule.
    – Il est mort, dis-je simplement.
    Je ne comprenais pas ce qui avait pu se produire. Il y avait peu de dangers ici, à Antioche. Quant à supposer que cet homme m’ait voulu quelque mal, qui en ce cas aurait eu la fâcheuse idée de le découdre devant ma porte ?
    – Il faut prévenir la garde, avisa Jaufré.
    Des bruits de pas s’amplifièrent dans le corridor. Quelqu’un venait. Au même instant, une pensée me traversa l’esprit, mais je n’osai y croire. Les pas s’arrêtèrent. Il est trop tard, pensai-je en avisant le sang qui couvrait ma tunique. Des coups violents frappés à la porte nous saisirent tandis qu’une voix tonitruante grondait :
    – Par saint Denis, ouvrez au nom du roi !
    Nous échangeâmes un rapide regard.
    – Va ! lui glissai-je.
    Jaufré ne bougea pas tout de suite, alors je murmurai dans un souffle :
    – C’est un piège, va !
    La voix reprit en même temps que les coups :
    – Ouvrez, damoiselle de Grimwald, ou par saint Denis nous enfonçons cette porte !
    Jaufré me lança un œil inquiet, mais, se fiant à mon instinct, il ramassa ses vêtements d’une main leste et ouvrit la fenêtre. Une lune pâle éclaira l’intérieur de la chambre. Nous étions logés au deuxième étage, au-dessus des douves. J’entendis un plongeon. Jaufré était bon nageur. À cet instant, la porte s’ouvrit et Robert de Dreux s’avança, l’épée au poing.
    Je l’apostrophai calmement :
    – Rangez ceci, mon ami. Vous arrivez trop tard !
     
    On m’autorisa à me changer derrière un paravent, pour que la vue du sang ne choque pas les âmes sensibles, et je me rinçai abondamment les mains dans un baquet d’eau. L’aube n’allait pas tarder à faire chanter les coqs. Je poussai un soupir de fatigue.
    Je m’étais fait piéger, c’était évident, mais dans quel but ? Et par qui ? Étienne de Blois ? J’en doutais. C’était trop gros, et pas véritablement dans ses pratiques. Il lui aurait suffi de me surprendre pendant mon sommeil avec quelques hommes de main. Un corps balancé ensuite dans les douves, et c’en était fini. Non, cela sentait trop la mise en scène et celle-ci avait une autre raison.
    Je me présentai devant le frère du roi, l’air grave mais nullement coupable. S’il faisait partie du complot, il n’écouterait aucune de mes explications. Aussi, je m’abstins de commentaire.
    – Allons-y, voulez-vous ?
    Je sentis dans le ton de sa requête que je n’avais pas vraiment le choix. On avait enlevé le corps du malheureux, seule une large tache de sang témoignait encore de sa réalité.
    Encadrée par les seigneurs de

Weitere Kostenlose Bücher