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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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homme ?
    Je le détaillai autant que je le pouvais, il me semblait fier et fanfaron. Je le lui dis.
    – Ne vois-tu point ces cheveux collés au front et cette goutte qui glisse le long de sa tempe ?
    – Si fait, mère. Il fait très chaud près du brasier.
    – Ce n’est pas la chaleur qui en est responsable, mais la peur. Vois comme, malgré son assurance, il racle sa gorge. En cet instant sa bouche est plus sèche qu’un puits tari, et seule l’eau peut éteindre le feu. Il est perdu.
    – Alors Dieu l’a condamné, mère ?
    – Non, Canillette, il se condamne lui-même par le remords, car il redoute que Dieu ne sache la vérité. Il n’y a rien de divin dans cette épreuve, mais qui, à l’instant suprême, n’a pas eu peur de lui-même ? S’il était innocent, il aurait l’âme libre, ne craindrait pas le regard du Tout-Puissant, et sa salive ferait barrière à la brûlure, car il n’en manquerait point. Cet homme va mourir, peut-être est-il innocent de ce crime, mais il en porte d’autres qui le condamnent à son propre jugement.
    L’homme porta la marque et, tandis qu’on l’attachait au mât, il se mit à vomir sur l’assemblée une foule de jurons et d’imprécations, puis un prêtre s’avança, bénit d’un grand signe de croix ce diable qui gesticulait malgré ses liens, et l’on déposa des sarments de vigne à ses pieds. Le feu du brasier se propagea et l’enflamma comme une torche.
     
    – Je suis bien aise de vous trouver ici.
    Je tournai la tête et, dans un mouvement de flamme, reconnus le roi qui s’était agenouillé à mes côtés. J’avais du mal encore à chasser de mon esprit la vision de mon souvenir, mais je me forçai à lui sourire.
    – Pardon de vous avoir dérangée dans vos prières, mais, lorsque je vous ai vue agenouillée et comme auréolée de lumière, j’ai éprouvé le besoin de vous parler.
    C’était inattendu, comme le fait de me trouver en ce lieu qui était plus sa maison que la mienne. Je m’aperçus avec stupeur que mes mains s’étaient jointes et que je devais donner effectivement l’impression d’être en prière.
    – Votre Majesté ne trouble rien en mon âme qui puisse avoir à réclamer le pardon. Mais je suis honorée que vous vous en inquiétiez.
    – Nous n’avons pas souvent eu de ces moments, vous et moi, et je ne suis pas certain que nous soyons même amis.
    – Vous êtes le roi.
    – Un roi seul. Victime de son aveuglement et de sa trop grande foi. Qui selon vous a intérêt à me nuire ?
    Je le regardai fixement. Il était sincère, préoccupé. Mais pourquoi diable me demandait-il cela à moi et en pareille circonstance ?
    – Nul ne veut vous nuire, Majesté. Mais vous conviendrez avec moi que Sa Majesté la reine et vous-même n’êtes plus très proches l’un de l’autre.
    Il secoua la tête, comme s’il ne comprenait pas.
    – Certains dont j’ignore le nom ont intérêt à ce qu’elle reste à Antioche et vous abandonne ses terres. J’avais eu vent d’un complot de cet ordre à Paris avant la croisade et j’ai été sauvagement agressée alors, vous en savez la mésaventure.
    – On m’a assuré qu’il s’agissait de malandrins…
    – Certes, Majesté, pour ne point vous alarmer car je n’avais aucune preuve, mais une enquête menée par Denys de Châtellerault nous prouva le contraire. J’ignore, messire, qui se cache derrière cela, mais le but est clair, par la suspicion on essaie de diviser le peuple de France, et, lorsque cela sera, d’une part la croisade de Dieu sera achevée dans le sang, d’autre part sur vos terres régneront l’anarchie et la guerre. Vous pouvez empêcher cela.
    – Comment ?
    – Ce soir, je ne doute pas que Dieu Lui-même vous donnera réponse.
    – Je suis las, murmura Louis comme pour lui-même en baissant son front sur ses mains jointes.
    Le silence retomba lourdement sur nos corps agenouillés côte à côte. Il me fit pitié tout à coup. Au fond, qu’avais-je à lui reprocher sinon cet amour de Dieu, si grand qu’il lui interdisait tout autre ? Fallait-il que je sois liée à la Grande-Bretagne pour nier la grandeur de cet homme ! Je posai avec douceur une main sur son bras. Il leva vers moi des yeux angoissés, comme si ce simple geste l’avait brûlé.
    – Je ne crains pas le châtiment de Dieu, mais je suis inquiète pour Sa Majesté la reine.
    – Si le Seigneur tout-puissant vous innocente, nous trouverons les

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