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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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coupables.
    – Une fois encore, Majesté, je vous demande de n’en rien faire. Cet homme est mort, paix à son âme. Laissons la justice divine châtier les coupables. Si vous-même mettez à merci vos féaux les plus fidèles, c’en sera fini de l’unité des Francs. Elle est l’enjeu de ce complot. N’en faites pas le jeu, je vous en conjure.
    – Tout criminel doit être puni, quel qu’il puisse être, grimaça Louis.
    – Alors vous devrez aussi punir la reine, murmurai-je.
    Il me lança un regard effrayé.
    – Serait-ce…
    Je ne lui laissai pas le temps de terminer sa phrase.
    – Non, Majesté. Si elle est coupable, c’est de ce sang fier et noble qui est le sien, et d’amour aussi…
    Je vis les belles mains blanches trembler tout à coup, comme prisonnières d’une fièvre que ses yeux trahissaient. Il demanda toutefois d’une voix ferme :
    – D’amour, dites-vous… Souhaiterait-elle demeurer à Antioche ?
    Son visage traduisait l’effort que lui avait coûté cette question. Je secouai la tête.
    – Je l’ignore, Votre Majesté, mais des liens profonds unissent Aliénor et Raymond, intolérables, hélas.
    – Je vous croyais son amie…
    Il me dévisageait sans comprendre. J’eus un pâle sourire. En cet instant, je n’étais plus l’amie que du royaume promis.
    – Je le suis, répondis-je amicalement. Mais je suis aussi la vôtre, Majesté, et, quoi qu’on ait pu dire et médire, je sais le prix d’un aveuglement. Aliénor devra oublier Raymond et regagner la confiance de ses vassaux.
    – Je n’ai point de preuve de la trahison de la reine.
    – Vous en aurez, Majesté, et dès lors je compte sur votre magnanimité pour écarter toute médisance.
    – Je suis le roi ! me lança-t-il comme pour montrer qu’il resterait inflexible.
    Mais je le cueillis d’un sourire narquois et ajoutai simplement :
    – Peut-on condamner l’amour Majesté ? Vous-même en savez la souffrance et la joie.
    Il laissa échapper un souffle de résignation. Enfin, comme s’il avait épuisé à l’intérieur de lui tout ce qui restait de volonté, il se signa, puis se leva gauchement en tanguant sur ses jambes trop longtemps pliées. Il me tourna le dos, sans autre mot, et je laissai pesamment retomber mon visage dans mes mains.
    – Qu’ai-je fait, mère ? J’ai trahi ma meilleure amie.
    Au même instant, une voix s’insinua dans mes oreilles, venue de nulle part et de partout à la fois :
    – Mais tu ne t’es point trahie.
    Alors une immense paix s’empara de mes bras, de mes jambes et de mon corps tout entier, tandis que carillonnaient à toute volée les cloches de la chapelle.
     
    Le feu brûlait haut sur le parvis de la cathédrale Saint-Pierre, montant droit dans l’obscurité de cette fin de jour. Sur les marches du parvis trônaient les robes blanches des moines et des abbés qui encadraient Raymond, assis sur un siège haut. A sa droite se tenaient l’évêque d’Antioche et ses ministres. À sa gauche, le roi et la reine. Aliénor avait repris des couleurs. Comme je m’approchais fière et droite, laissant la chaleur du brasier me gagner, je pus me rendre compte que son assurance était factice. Elle avait dû pincer et repincer au sang ses joues blêmes pour les rosir.
    Un frisson me parcourut et, cédant à une impulsion, je me retournai. Jaufré s’était frayé un passage dans la foule et me dévisageait tendrement. Il y avait tant de confiance dans ses yeux gris que mon cœur s’en trouva gonflé d’amour et de lumière. Mon tendre, très tendre aimé. Lui seul savait désormais. Je brûlais d’un feu plus vivant que celui duquel on extirpait à présent la croix rouge et fumante. Je la regardai sans peur, puis m’avançai vers le roi, qui s’était dressé à l’invitation de Raymond.
    Louis me toisa et je m’agenouillai sur la première marche à ses pieds :
    – Loanna de Grimwald, on vous accuse de crime sur la personne d’Aldebert de Montreuil. Êtes-vous prête à jurer sur les Très Saintes Écritures de votre innocence et à braver le regard de Dieu, ou plaidez-vous coupable au regard des hommes et vous en remettez-vous à leur justice ?
    Sans hésitation, je lançai d’une voix que le vent porta jusqu’au sommet des flammes :
    – Que Notre Seigneur tout-puissant me marque de son sceau si j’ai menti.
    Je posai la main gauche sur la Bible recouverte de cuir et ornée de brochures d’or que me tendait l’évêque, et

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