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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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fils qu’il vouait à sa succession. Là-bas, la discorde était telle entre les partisans d’Henri Plantagenêt et ceux du roi d’Angleterre que les algarades se faisaient nombreuses, laissant pressentir une guerre civile. La popularité d’Henri allait grandissant dans le pays et il tissait des liens de plus en plus étroits avec ceux qui autrefois avaient rejeté sa mère. C’était sans doute la raison pour laquelle les échauffourées entre partisans des deux clans étaient si violentes. L’Angleterre voyait en ce jeune colosse le roi qu’ils n’avaient pas en Etienne, aussi fourbe que cruel. De plus, bon nombre d’Anglais étaient fatigués de cette guerre qui plongeait le pays tout entier dans la famine, la ruine et la haine. Au printemps 1150, Geoffroi le Bel céda le duché de Normandie à Henri pour ses dix-sept ans.
    Le premier devoir d’Henri aurait été de faire allégeance au roi de France pour ce titre et de reconnaître sa suzeraineté. Il décida de n’en rien faire. Puisque Louis VII soutenait son rival, il n’avait aucune raison de s’incliner devant lui. D’autant moins qu’il sentait bien à présent qu’avoir été dépossédé de l’Aquitaine pesait lourd dans la balance. Il ne pardonnait pas. Et, plus encore que son père ou son grand-père et jusqu’au plus lointain de ses aïeux, Henri était belliqueux, rancunier et tenace.
    Au mois d’août 1150, Louis s’agaça et décida qu’il était temps de remettre à sa place ce freluquet. Henri allait apprendre qui il était. Contre les conseils de Suger qui considérait que la paix devait être préservée dans le royaume, il commença à masser des troupes sur les rives de la Seine entre Mantes et Melun.
    Henri lui aussi gronda. Que le roi de France le défie, lui, l’héritier légitime de la couronne d’Angleterre, pour soutenir un parvenu et un parjure, il ne pouvait l’admettre. Il ne se reconnaissait pas vassal de Louis. Il ne se reconnaissait pas dans l’allégeance qu’il lui devait. Pendant plusieurs semaines, un vent guerrier secoua la France.
    C’est à ce moment-là, dans ce creux du temps qui maintient les choses entre deux équilibres fragiles, que Louis me fit venir dans son cabinet de travail.
    Je n’avais plus eu depuis fort longtemps l’occasion d’un parler en tête à tête. D’ailleurs, depuis la mort de Béatrice de Campan, Louis n’aimait personne, n’écoutait personne, ne voyait personne. S’il se pliait aux sentiments de ses conseillers et de son sénéchal Raoul de Vermandois, c’était parce qu’il avait lui-même choisi d’aller dans cette direction et pas une autre. Aliénor et moi nous contentions donc depuis une année de veiller à la bonne marche des affaires courantes, dispensant charité et bons soins puisque ma connaissance des simples soulageait nombre de maux, filant, cousant, brodant, préparant festivités et processions dans un rythme sans fin, qui pourtant tissait l’inexorable déchirement. Louis n’aimait plus Aliénor, et Aliénor n’acceptait plus d’être reléguée au rang de matrone.
    Aussi, lorsque la porte se referma derrière moi, me livrant le visage sombre du roi sur lequel de petites rides se dessinaient à présent, j’étais en proie à toutes les interrogations possibles.
    – Prenez un siège, dame Loanna, dit-il aimablement pour couper court à ma révérence.
    Tandis que je m’installais dans un fauteuil richement sculpté, Louis posa son sceau sur un parchemin roulé. Il se dirigea vers moi et s’assit de biais sur le bureau qui me faisait face, prenant un air décontracté que je ne lui connaissais pas. Je fronçai les sourcils. Cette attitude même montrait que quelque chose d’important se tramait.
    – Je me suis laissé dire il y a déjà fort longtemps que Mathilde, duchesse d’Anjou, était votre marraine et que c’est à la cour de Geoffroi le Bel que vous avez été élevée.
    – En effet, Votre Majesté, approuvai-je, méfiante.
    Où voulait-il en venir ? Me soupçonnait-il de connivence avec celui qui était devenu irrémédiablement son ennemi ?
    – J’ose donc penser que vos attaches sont puissantes à ceux-là mêmes qui aujourd’hui défient mon autorité.
    – Me demandez-vous de prendre position dans cette affaire, Majesté ? demandai-je en le fixant droit dans les yeux.
    Je n’aimais pas ce jeu de chat et souris. Il eut un sourire et se radoucit :
    – Nenni, gente dame. Je vous sais suffisamment attachée

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