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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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sang ! Loanna de Grimwald ! Cela faisait si longtemps ! Vous avez ma foi bien changé, jeune péronnelle.
    Ce fut à mon tour de le fixer avec surprise. Mais ma mémoire était sans doute moins bonne que la sienne car je ne parvenais pas à me souvenir de l’avoir jamais rencontré.
    – Ma foi, messire, je n’ai pas le sentiment de vous connaître, et, de ce fait, permettez que je trouve votre familiarité quelque peu déplacée.
    – Faudra-t-il donc que je vous rafraîchisse la mémoire autant que vos atours ? Je suis Bastien. Le fils de Benoît le meunier. Angers, ajouta-t-il comme je fronçais les sourcils. Vous m’avez plus d’une fois fait tourner en bourrique alors que nous étions enfants à la cour de messire Geoffroi d’Anjou. Ne vous souvenez-vous point ?
    Oui, maintenant, je me souvenais. Ces boucles brunes, ce menton, ce regard étaient là, enfouis sous des centaines d’autres souvenirs rendus flous par le temps. Bastien qui me poursuivait de sa hardiesse quand je n’avais que quinze ans, juste avant que je ne regagne Brocéliande. Bastien qui attrapait mes colombes et fixait à leurs pattes des messages qui me faisaient enrager et le poursuivre jusque dans les parcs à cochons en vociférant.
    – Bastien ! murmurai-je, nostalgique, tandis que mon sourire s’élargissait avec le champ de mes souvenirs. Tudieu, mon ami, vous avez bien changé. La dernière fois que je vous vis, vous étiez crotté jusqu’aux oreilles. Est-ce bien vous qui, ce jourd’hui, vous insurgez de ma trempette ? Et en habit de seigneur ? Que vous est-il arrivé pour mériter pareil changement ?
    – C’est une longue histoire, damoiselle. Mon château est celui que vous apercevez sur cette colline. Allons avec votre suite y prendre quelque rafraîchissement, je vous conterai tout ce qui vous fait défaut.
    Ainsi fut fait, et, quelques heures plus tard, nous étions encore à nous raconter moult anecdotes qui ramenaient notre enfance au seuil de nos rides naissantes.
    – C’est ainsi que je vous le dis, poursuivait Bastien, si je n’étais pas intervenu pour dévier la course de ce monstrueux sanglier, notre jeune Henri ne coifferait pas de sitôt la couronne d’Angleterre. J’en ai été pour quelques courbatures et une belle estafilade au bras laissée par une des défenses de la bête avant qu’elle ne s’effondre. Le jeune Henri m’a gardé une reconnaissance véritable. C’est à ses largesses que j’ai dû mon nouveau statut. À la mort du vassal auquel appartenaient ces terres, il ne s’est présenté aucun héritier direct. Henri a aussitôt décrété qu’elles me revenaient de droit et qu’avec sa gratitude il me donnait un nom et un titre. C’était il y a deux ans tout juste et je dois reconnaître, ma foi, que ce nouvel habit me sied davantage que le précédent.
    – Vous me voyez ravie de votre aubaine et vous avez en retour ma gratitude, mon ami. Perdre Henri aurait été un grand malheur.
    – Ainsi donc, ce qui se raconte est vrai ? Vous aimez Henri autant qu’il vous aime ?
    Refusant de comprendre ce qu’il supposait, je bredouillai :
    – J’aime Henri tel un frère, il est vrai, et je veux croire qu’il en est de même pour lui.
    – Dame ! objecta-t-il en écarquillant des yeux ronds, ignoreriez-vous véritablement les sentiments du duc à votre égard ? Pour avoir été son confident, je puis vous assurer qu’il ne vous chérit point comme une sœur, mais bien plutôt comme une amante !
    – C’est impossible voyons !
    Cette affirmation me terrassait. J’avais toujours pris comme un jeu d’enfant les railleries et les déclarations d’Henri. Qu’en serait-il désormais ? Aurais-je aussi à lutter contre celui auquel je sacrifiais ma vie ? Les deux hommes que j’avais aimés m’avaient été pris par un destin implacable et aujourd’hui je me trouvais avec deux prétendants dont je ne voulais pas. Mon destin était-il donc de me perdre sans cesse entre ces jeux du hasard sans avoir seulement un asile pour mon cœur assoiffé de passion ? Comme Jaufré me manquait ! J’aurais tellement eu besoin de lui à mes côtés. Ne plus le voir, ni l’entendre, ni même pouvoir penser que son esprit demeurait lié au mien au-delà des distances, tout cela me pesait. Et le temps qui passait, inexorablement, ne changeait rien à ce vide immense, bien au contraire !
     
    – Loanna ! Loanna de Grimwald !
    Henri ouvrit des bras béants comme les

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