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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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pénétra en trombe dans le jardin des simples qu’une tonnelle de chèvrefeuille gardait au frais. Je m’y trouvais, comme à l’accoutumée. M’occuper des plantes était devenu primordial. S’il avait fallu compter seulement sur le maigre savoir des apothicaires dont s’entourait Louis, beaucoup auraient trépassé d’avoir été saignés tels des pourceaux !
    – Ils sont perdus ! conclut Aliénor après m’avoir fait récit de ce qu’elle venait d’entendre.
    – Pas encore, ma reine. Envoyons un bref à Bernard de Clairvaux. Lui seul peut faire cesser le massacre.
    – J’ai peur, Loanna.
    Elle me fixait avec un regard d’oiseau prisonnier d’une cage. Se pouvait-il qu’elle soit tombée amoureuse d’un homme qu’elle n’avait vu qu’une fois alors qu’il n’était qu’un enfant ?
    – Pourquoi t’intéresses-tu tant au devenir d’Henri ? demandai-je soudain.
    Elle rougit aussitôt.
    – À toi je peux tout dire, Loanna. J’ignore ce qui m’arrive, sans doute ai-je accumulé tant de rancœur envers Louis que j’exulte à voir d’autres braver mille dangers pour lui faire offense. Je voudrais pouvoir m’élever contre lui, le gifler ainsi qu’ils le font, faire entendre ma voix et plier la sienne. Je ne peux m’empêcher d’être dans le camp de ses ennemis. Ils apaisent ma soif de vengeance. Ils apaisent ma colère. Et à force, il est vrai, d’être de leur parti, j’en viens à renier la reine de France qui devrait s’offusquer aux côtés de son roi. Mais, ô combien, je voudrais à leur exemple ne plus faire allégeance !
    Elle était prête. Je lui pris les mains et l’obligeai à s’asseoir sous un pommier, à même l’herbe fraîche et douce de ce mois de mai 1151.
    – Il est temps à présent de te révéler la vérité, Aliénor. Peu importe ce que tu décideras ensuite. J’ai été élevée à la cour de dame Mathilde, tu le sais, et mère était sa conseillère. J’aime Henri comme un frère, et je ne t’apprends rien en te disant que son devenir m’est cher. Si cher qu’il y a de cela fort longtemps j’ai choisi de me sacrifier pour lui. J’ignorais alors que je trouverais une amie en toi, si tendre à mon cœur qu’elle est unique.
    – Où veux-tu en venir, Loanna ?
    – Quelques mois seulement avant que je ne vienne à l’Ombrière, ton père Guillaume eut une entrevue avec Geoffroi le Bel. Il avait promis de te dire à son retour de Compostelle les raisons véritables qui le poussaient à te placer dans un couvent.
    – Je me souviens. C’était une idée folle !
    – Non. Réfléchis. Ce que Geoffroi le Bel était venu demander à ton père dans l’abbaye de Fontevrault ce jour-là n’était rien moins que ta main pour son fils Henri.
    – Que dis-tu ?
    Aliénor devint blanche comme une fleur d’églantier.
    – Henri était un enfant à l’époque, et, lorsque ton père, au regard de leurs intérêts mutuels, accepta de te fiancer à Henri, l’unique solution qui apparut fut de te placer au couvent jusqu’à ce qu’Henri soit en âge d’épousailles. Cela peut sembler farfelu, je le conçois, mais l’Aquitaine a souvent été en butte au roi de France. En s’alliant avec l’Anjou, le Maine et la Normandie, elle devenait plus puissante que celui-ci, sans compter que, dès lors, l’Angleterre se serait tout entière ralliée à dame Mathilde. Ton père est mort avant d’avoir pu te révéler la vérité. Je n’ai aucune preuve, mais je ne peux pas croire que cette soudaine maladie ait été fortuite.
    – On l’aurait assassiné ? Mais dans quel but ?
    – Celui de remplacer un roi par un autre, Aliénor. L’Aquitaine est une dot considérable, tu en conviendras.
    – Je ne peux le croire. Tout ceci est si… Mais toi, toi, que viens-tu faire dans tout cela ?
    – Dame Mathilde considérait que le couvent n’était pas véritablement un endroit distrayant pour une pucelle de quinze ans, même s’il te mettait à l’abri de la concupiscence des barons aquitains. Nous avions le même âge. J’ai été placée auprès de toi, d’une part pour sceller l’engagement verbal des deux parties, d’autre part pour devenir ton amie et adoucir les rigueurs de ce que l’on t’imposait.
    – Manipulée, j’ai été manipulée.
    – Non, ma reine, jamais, tu entends, jamais. Regarde-moi, Aliénor.
    Elle avait le regard blessé.
    – Je t’aime, Aliénor, et ce qu’il y a entre nous n’a rien à voir avec

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