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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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fait rare ici depuis que le feu roi Louis en a refusé le commerce avec la Grande-Bretagne, et ses prix ont monté. Nul doute que l’on m’aurait détroussé si l’on avait su ce que je transportais.
    – Mais aucun maraud ne peut te voler, puisque tu es le plus fort ! assura Thierrey en se redressant fièrement.
    Me prenant à témoin, il lança d’une voix grave :
    – Si vous l’aviez pu voir, dame Loanna, contre les vilains qui l’autre jour cherchaient querelle à l’Ernestine ! Il s’est battu à mains nues comme ça.
    D’un bond il fut debout à singer une pluie de coups de poing contre des cibles imaginaires tandis que Denys se laissait aller à un rire sonore dans lequel je reconnus la vigueur de son père. Le vicomte, et tous d’ailleurs, n’étaient pas en reste d’amusement car, voyant que son jeu attirait vers lui les regards, notre jeune combattant en rajoutait. Jugeant pourtant qu’il avait assez bougé, le vicomte le souleva de terre par le col de son bliaud et il se retrouva les pieds battant le vide en se tortillant de surprise. Toute l’assemblée partit d’un rire gai, qu’il partagea sans vergogne tandis que, retombant sur ses pieds, il lançait un regard respectueux vers son père qui l’avait ainsi crocheté par-derrière.
    – Allons, lança celui-ci, il est temps d’aller dormir, jeune fougueux. Tu auras tout loisir demain d’amuser dame Loanna, puisqu’elle nous fait la joie de séjourner quelques jours en notre compagnie.
    Saisissant l’à-propos et mesurant ma fatigue, je glissai en me levant :
    – Je vais me retirer aussi, si vous le permettez.
    – Certes, damoiselle. Je vais vous conduire à votre chambre, annonça Loriane en se levant à son tour.
    Après avoir salué l’assemblée, nous nous dirigeâmes tous trois vers le grand escalier qui se perdait dans les étages.
    Les terres du vicomte étaient splendides, et je ne regrettai pas ma décision de passer quelques jours avec mes nouveaux amis. Si j’étais pressée de revoir Aliénor, je ne parvenais pas pourtant à détacher mes pensées de Jaufré, comme si son souffle continuait de me faire vivre. La rivière inondait les douves autour du château dont le pont-levis n’était levé que le soir, et sur ses rives la petite bourgade s’entourait d’un rempart de pierre qui depuis longtemps n’avait vu d’assaillant. Le vicomte était un pacifique. Il avait renoncé à guerroyer, autant qu’à courtiser les damoiselles, suite à une blessure de loup qui l’avait amputé d’un morceau de cuisse et d’une partie de ses attributs masculins. On racontait qu’il avait dû la vie à une sorcière, qui avait fait fuir les bêtes et l’avait soigné. Depuis, il lui assurait protection, et une servante du château se rendait une fois par semaine dans la forêt pour déposer dans un endroit précis un panier garni de victuailles. C’était peut-être pour cette raison que les bois m’attiraient, aussi sans doute à cause de ce besoin de solitude qui m’avait fait accepter l’hospitalité du vicomte. Jaufré était trop présent. Le vicomte m’avait demandé l’autorisation de renvoyer à Blaye l’escorte qui m’avait amenée jusqu’à lui, m’assurant qu’il me fournirait des hommes sûrs dès lors que je souhaiterais reprendre mon voyage. J’avais confiance en lui. Sa fidélité aux ducs d’Aquitaine n’était pas une légende, et il éprouvait une grande affection pour son cousin, le père d’Aliénor. Ici, je me sentais en sécurité. Prête à prendre assez de recul pour affronter mon destin.
     
    Cela faisait trois jours que j’arpentais les jardins avec Loriane. Elle était de bonne compagnie et je l’assistais avec plaisir dans les tâches coutumières auxquelles mon enfance m’avait habituée. Je n’avais pas revu Denys qui s’était dépêché, dès le lendemain de son arrivée, de partir à une battue au loup avec quelques vaillants gars et traqueurs. Ce matin-là, je n’avais qu’une envie en m’éveillant, m’enfoncer au cœur de la forêt pour y ramasser des racines et des simples qui, je le savais, me feraient défaut à Paris. Il était bon de réapprovisionner mes médecines en vue des maladies que l’hiver ne manquerait pas d’amener. Donc, munie d’une besace de cuir et de ma serpette, je me glissai au-delà du pont-levis et enfilai le petit sentier. Il y faisait frais et c’était agréable, car, bien que nous avancions vers septembre, les journées

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