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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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étaient encore étouffantes.
    Je passai un grand moment courbée dans les bosquets et taillis, faisant fuir par mes investigations quelques mulots ou lièvres qui détalaient à ras de terre et disparaissaient dans les ronces, décrochant du pied des vieux chênes certains champignons qui favorisaient le don de double vue. Lorsque ma besace fut remplie, je me dirigeai d’un pas satisfait vers un coude de la rivière. Le site était joli et l’on distinguait à travers les noisetiers et les aulnes piqués en bordure les tours crénelées du château. Avisant une pierre plate, je m’y assis avec bonheur, sans pouvoir m’empêcher de penser que Jaufré aurait aimé cet endroit. Mes jambes me semblèrent lourdes soudain. Je les étirai jusqu’à sentir à travers mes bottes mouillées de rosée la fraîcheur lancinante de Fonde. Croisant mes mains derrière ma nuque, je me laissai aller contre le tronc de l’arbre qui généreusement courbait sa ramure au-dessus de mon front. Puis, engourdie par la douceur du lieu autant que par celle du soleil, je fermai les paupières pour me laisser porter par l’instant.
    Ce fut une sensation plus qu’un bruit qui me tira de ma rêverie. Une sensation étrange et brutale de danger. Le cœur battant la chamade, je restai sans bouger, les sens en alerte. Qu’avait-il pu se produire pour que je ressentisse pareille angoisse ? Autour de moi tout était serein. Me forçant au calme, je fis mine de m’étirer, le plus naturellement du monde, pour lancer un coup d’œil aux alentours. Rien. J’avais pourtant cette impression désagréable d’être épiée. Par qui ou par quoi ? Était-ce cette sorcière dont m’avait parlé le vicomte ? Non, ce ne pouvait être cette femme. Quelqu’un ou quelque chose était tapi là, dans l’ombre des sous-bois, et me voulait du mal. Je desserrai d’une main discrète ma serpette du lien de cuir qui la retenait à ma ceinture et, la gardant au creux de ma paume, je me relevai comme si de rien n’était. Le temps de percevoir un sifflement, une douleur aiguë me transperça le bras, m’arrachant un cri de souffrance et d’impuissance. Une flèche clouait ma chair au tronc de l’arbre, souillant la manche de mon bliaud d’un filet de sang écarlate. J’allais l’arracher pour me dégager, lorsqu’un rire cruel arrêta mon geste. Je tournai la tête. Je ne l’avais pas entendu venir, mais il était là. Il se détachait à peine dans la semi-obscurité du sous-bois, tout de noir vêtu jusqu’à la cagoule qui dissimulait ses traits, un carquois passé autour de son épaule.
    En un bond, l’homme fut près de moi et, plantant un regard cruel dans le mien, il ricana :
    – Tout doux, ma belle ! Laisse-moi ce plaisir.
    D’un geste vif, il arracha la flèche. Ma serpette partit en direction de son visage, mais c’était compter sans son habileté. Il esquiva mon geste et me frappa. A demi assommée, je tombai à la renverse. Puis il y eut une grande douleur contre ma nuque, et il me sembla que la nuit emplissait d’un coup l’espace. Une nuit froide au goût âcre de sang.
    Lorsque j’ouvris les yeux, je perçus seulement le contact de la terre ferme sous mes reins. Je ne parvenais pas à bouger. C’était comme si mon corps tout entier était attaché à cette mousse qu’il écrasait de son poids. Un cliquetis de ferraille résonnait dans ma tête, et je m’obligeai à chercher sa direction sans être sûre seulement qu’il ne venait pas de l’intérieur de mon crâne. Une brume opaque voilait mes yeux et les choses alentour m’apparaissaient déformées. Toutefois, je distinguai deux formes humaines et des épées qui s’entrechoquaient. Puis il y eut un grand cri, et une des formes s’écroula à genoux, tandis que l’autre s’approchait de moi, la lame dégoulinante de sang. Alors, je fermai les yeux et glissai de nouveau dans la nuit.
     
    À mon réveil dans la jolie chambre aux tapisseries chatoyantes du castel de Châtellerault, j’appris que je n’avais dû la vie sauve qu’à la grande habileté de Denys. L’ombre penchée sur moi et dont je ne gardais que le souvenir d’une course qui martelait le sol et résonnait dans ma tête, c’était lui. Lui qui, étant rentré au château, avait su que je me trouvais dans les bois et s’était inquiété, mû par quelque sentiment qu’il ne s’expliquait encore pas ce jourd’hui. Lui qui avait surpris mon agresseur alors qu’il me déposait évanouie

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