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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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sensuelle, puissante.
    La raison en était qu’en cet automne 1138 Aliénor ne portait toujours pas d’enfant et qu’elle craignait, malgré la potion que je lui fournissais, d’être devenue stérile. Et puis elle avait trouvé un nouveau jeu.
    J’avais fini par lui faire entendre raison. Aliénor cognait de front contre les obstacles quand il suffisait pour passer de les contourner. L’expérience de cette dernière année lui avait montré qu’il ne naissait rien de bon de ses sautes d’humeur et que, chaque fois, elle trouvait en face d’elle Suger, derrière lequel Louis se réfugiait.
    Bien que prodigieusement têtue, Aliénor était intelligente, et c’était sur cette intelligence que je comptais. J’entrepris tout d’abord de lui montrer les manigances de Béatrice, m’arrangeant pour qu’au cours de nos promenades ou de nos jeux nous la croisions en compagnie de Suger ou de Louis à plusieurs reprises. Au début, Aliénor ne soupçonna rien, encore sous le charme de la « sainte » ; puis, à mes allusions, elle commença de se poser des questions. Comment se faisait-il que l’abbé connaisse toujours ses intentions ? Des indiscrétions m’apprirent leurs liens anciens. J’en fis aussitôt état à la reine. Dès lors, Béatrice fut écartée gentiment de ses faveurs. Adélaïde de Savoie intriguait auprès du roi contre sa belle-fille ? Qu’à cela ne tienne. Je fis intercepter un bref à l’attention du conseiller Raoul de Cr écy dans lequel elle lui dictait ses directives à propos de certaine affaire. Aliénor la fit venir dans son cabinet et lui recommanda de se retirer sur ses terres et d’épouser ce petit seigneur de Montmorency, bel homme fort courtois qui était épris d’elle, sous peine de voir certain billet arriver entre les mains d’un roi peu enclin à admettre que sa propre mère lui soit hostile. Adélaïde n’insista pas. L’on conseilla de même à Raoul de Crécy d’aller pour quelque temps visiter ses terres.
    On prit pour excuse un incident mineur : Adélaïde comme Raoul avaient refusé d’acquitter leur écot pour les dépenses royales. Avec toutes les transformations du palais qu’Aliénor avait effectuées, du remplacement des cheminées à l’agrandissement des fenêtres, la facture était lourde et, ainsi qu’il était de coutume, les grands du royaume devaient payer. Et encore, Aliénor voulait des vitres comme en Aquitaine, mais elles lui furent refusées par Suger.
    À nouveau, elle m’écouta. S’il ne restait que Suger pour lui faire des misères, il fallait le moucher. Mieux, le remplacer. Louis ne demandait au fond qu’à se laisser aller à l’amour qu’il portait à son épouse depuis leur rencontre. Et Aliénor aimait le pouvoir. Elle l’obtint.
    Il lui fallut moins d’une année pour que le roi redevienne soumis et docile comme un agneau. Aliénor n’intervenait plus dans le cabinet des ministres, elle lançait sur l’oreiller des questions pour « causer et montrer son intérêt ». Louis parlait, confiait à son oreille attentive ses craintes et ses doutes, et Aliénor suggérait sans en avoir l’air, ponctuant d’un « je vous dis cela, mais sans doute ai-je tort », qui laissait Louis songeur. Au matin, il défendait pourtant l’avis de son épouse comme étant le sien. Au fil des mois, Suger fut de moins en moins souvent appelé au palais pour ses précieux conseils. L’abbé ne s’en offusqua pas, mais il commit une erreur de tactique, celle de croire qu’Aliénor faisait cela dans le but de garder Louis et donc de sa propre initiative. S’il savait désormais, j’en étais convaincue, que ma mission était de contrarier le couple royal, il n’imaginait en aucun cas que je puisse être aussi influente auprès de la reine. Moi aussi, j’avais appris à dissimuler !
    Il restait cependant Thierry Galeran, déjà fidèle serviteur de Louis le Gros. S’il s’était jusqu’alors fait tout petit, il avait acquis ces derniers mois une place redoutable auprès du roi. Je n’étais pas loin de penser que, ne pouvant plus utiliser véritablement Béatrice, Suger avait fait pression sur ce vieil homme pour qu’il devienne son oreille à la cour. Il était facile de comprendre combien il leur était profitable de lutter ensemble contre la reine. S’unir pour mieux diviser était un usage vieux comme le monde ! Pourtant, lui aussi avait une faiblesse. Je fis remarquer à Aliénor que l’on pouvait

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