Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
reprendre la couronne. Il était l’allié de la maison d’Anjou et me servit de relais avec la Normandie, où ma marraine s’était implantée pour mieux diriger les opérations. J’appris donc de vive voix qu’Henri n’avait rien perdu de son mauvais caractère, bien au contraire. Agé maintenant de six ans, il épouvantait frère Briscaut, qui avait manqué faire un coup de sang à la suite d’une de ses espiègleries. Pour se venger d’une punition méritée qui l’avait laissé en pénitence plusieurs heures agenouillé sur le froid des pierres de l’église, le chérubin en avait ouvert les portes à une escouade de cochons agacés par les flammes d’une torche. Attiré par le vacarme, l’abbé avait trouvé son église souillée et ravagée par les animaux aux hurlements stridents. Henri avait reçu une abondante bastonnade sans même froncer les sourcils, son regard noir dans celui de l’abbé qui s’en signa d’effroi.
    Cette anecdote me fit rire aux éclats tant j’imaginais la face cramoisie de ce bon vieux frère Briscaut aux prises avec ce petit monstre. Thomas Becket avec son accent merveilleux me gronda. Henri avait bravé l’Église ! Un pressentiment me donna envie de lui dire que ce ne serait sans doute pas la dernière fois mais je m’abstins. Un jour, ces deux hommes s’affronteraient, je le sentais, mais pour l’heure Henri était tel que je l’avais deviné, un enfanteau plein de vie et d’imagination. Plus têtu encore que son père. Son union avec Aliénor ne manquerait pas de me donner du fil à retordre !
    La compagnie de Thomas Becket me plaisait et me faisait du bien. Outre ce sujet, nous parlions souvent philosophie, et la mienne, tirée de l’enseignement de mère et de Merlin, lui faisait hocher la tête. Si Thomas Becket était un prêtre, sa foi pure et vraie rendait à l’homme une dignité indiscutable. Il n’était pas d’accord avec certains us de son Eglise, refusant pour lui-même toute richesse. Ses sandales étaient usées jusqu’à la corde et sa bure simple laissait voir quelques trous aux manches et aux chevilles. Il m’appelait débonnairement et sans malice sa « petite païenne », ce à quoi je répliquais que j’étais aussi catholique que lui-même. S’il n’avait aucune raison d’en douter, certaines de mes réponses concernant mon éducation le laissaient songeur. Depuis qu’il connaissait le frère Briscaut, il avait peine à croire qu’il ait pu m’inculquer tout ce que je savais. Pour éviter les oreilles indiscrètes de Béatrice qui sans relâche traînait aux alentours, nous échangions souvent en gallois, que j’avais appris de mère, et je retrouvais un peu de mon enfance pendant ces moments partagés.
    Je recevais fréquemment des nouvelles de Blaye. Jaufré me manquait, et cependant j’étais soulagée qu’il ne fût pas à mes côtés. C’était une de ces contradictions qui bouillonnaient dans ma tête. Je me nourrissais de son absence, de la certitude de son amour. Cela aiguisait mes sens, les laissant en alerte. Lorsqu’il était près de moi, je baignais dans une torpeur béate qui me rendait vulnérable. Je l’avais déjà appris à mes dépens. Amour et devoir ne faisaient point bon ménage. Mon esprit était bien trop occupé à déjouer les manigances qui planaient à la cour pour s’abandonner.
    Je me contentais de ses courriers. Ils m’apportaient une bouffée de large, de lys et d’orangers. Une bouffée de bonheur. Rétablir la paix dans ses terres n’avait pas été chose facile. Limitrophe du pays vitrezais, la Comtau attisait la convoitise de son jeune seigneur impétueux, héritier récent d’un bonhomme pacifique. Jaufré s’entendait bien avec le vieillard et, de fait, laissait souvent les riverains s’aventurer sur ses terres. La Comtau était d’une telle richesse qu’on pouvait y vivre en nombre sans qu’aucun y perde. Son fils n’était pas du même avis. Il voulait tout. Pour lui seul. Il était de ces jeunes fougueux qui ne songeaient qu’à brûler, piller et massacrer, user du vice comme d’une vertu et travailler à leur seule gloire. A son arrivée, Jaufré avait trouvé la ville haute assiégée par une centaine d’hommes, les abbayes pillées et les gens réfugiés à l’intérieur de l’enceinte fortifiée. Lui-même n’avait dû son salut qu’à l’existence d’un souterrain qui partait de l’hospice des pèlerins de Compostelle à Saint-Martin et menait

Weitere Kostenlose Bücher