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Le livre des ombres

Le livre des ombres

Titel: Le livre des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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sous les poutres pour les mettre à l'abri du pillage des souris. Dans le jardin, Wuf, qui travaillait déjà habilement le bois, confectionnait un abri pour les oiseaux dans l'espoir que des hirondelles viendraient y nicher.
    Eux n'étaient pas un problème, songea Kathryn.
    En revanche Colum Murtagh en était un : l'Irlandais aux cheveux fous, au visage basané, n'était jamais longtemps absent de ses pensées. Il était beau dans le genre rude, avec le teint hâlé et des yeux bleu sombre qui pouvaient pétiller de malice ou se faire froids et durs comme la pierre.
    Kathryn frissonna non pas de crainte mais d'incertitude. Nul homme, pas même Alexander Wyville, son dévoyé de mari, n'avait ému son âme aussi profondément que Murtagh. Pourtant Kathryn se méfiait. Alexander s'était montré violent alors que Colum ne l'était pas, mais ce dernier avait la nature dure et impitoyable d'un soldat de métier. Elle l'avait vu décapiter un homme aussi facilement que Thomasina coupait une fleur.
    Kathryn tendit l'oreille : dans la cuisine, les voix s'élevaient.
    — Et bien sûr, l'Irlandais sera de retour pour le dîner, claironnait Thomasina pour que Kathryn l'entende. Il reviendra. Tu verras, dès que le jour tombera, il fera claquer ses bottes boueuses sur mon plancher frotté de frais, en se léchant les babines comme un loup affamé.
    La voix de Thomasina s'amplifia encore, et elle beugla presque :
    — Il est temps qu'il reste à Kingsmead !
    Kathryn sourit. Au début, quand Murtagh était arrivé, le manoir royal de Kingsmead étant à l'abandon, il s'était installé chez elle. Les paroissiens de Sainte- Mildred avaient beaucoup jasé, surtout Joscelyn, un cousin de Kathryn, et sa langue de vipère de femme. Kathryn s'en moquait.
    Colum était un homme honorable. Si elle avait hésité à l'accueillir, maintenant elle redoutait qu'il s'en aille. Elle inspira lentement et, posant sa plume, partit dans le passage jusqu'à l'échoppe qu'elle projetait d'ouvrir après Pâques. Les étagères qu'avaient installées Colum et Wuf luisaient, bien cirées. De nouveaux placards se trouvaient tout de suite après la porte, et l'imposant comptoir avait été frotté, poncé et reteinté. On avait fixé dans le mur des bras pour torchères, et nettoyé la fenêtre donnant sur la rue, dont on avait remplacé les carreaux cassés par du papier huilé.
    Kathryn prit le trousseau de clés suspendu par un lien à sa ceinture et ouvrit le loquet de la petite réserve attenante à l'échoppe. Fermant les yeux, elle se délecta des odeurs d'herbe aux mamelles, de reine-des-prés, d'estragon, de thym et de basilic.
    Elle avait fait pousser elle- même certaines de ces herbes, et en avait acheté d'autres à Londres ou à Cantorbéry : ainsi le peuplier noir et le trèfle blanc.
    Elle abaissa les yeux sur le coffre renforcé où étaient prudemment remisés les fioles et petits pots de poison : des champignons, comme les bolets Satan ou les amanites printanières, ou, encore plus rares, des feuilles et de l'écorce de buis pilées.
    Luberon, le clerc de la ville, un homme replet et volubile, avait promis à Kathryn que, maintenant que le Conseil de la ville avait été reconstitué, d'ici moins d'un mois, elle recevrait sa licence de négoce. Dès qu'elle l'aurait, Kathryn était décidée à ouvrir sa boutique sans attendre. Elle promena son regard autour d'elle et, satisfaite, s'apprêtait à regagner sa chancellerie quand on frappa à la porte, et un visage mâchuré apparut derrière un carreau.
    — Maîtresse, il faut que vous veniez tout de suite !
    Le gamin sautait sur ses pieds.

    — Pourquoi donc, Catslip ?
    Kathryn sourit au petit mendiant qui aidait à l'hospice des Prêtres indigents.
    — Le père Cuthbert dit que si vous ne venez pas maintenant, l'homme mourra, mais si vous venez, il mourra quand même.
    Le gamin se tut, et interdit, porta les mains à ses lèvres avant d'ajouter :
    — Cela ne veut rien dire, non ?
    — Non, en effet, répliqua Kathryn, mais je vais venir malgré tout.
    Elle s'en fut prendre son panier de potions et avertit Thomasina de l'endroit où elle allait. Celle-ci saisit aussitôt son manteau, déclarant à haute et intelligible voix qu'elle accompagnait sa maîtresse.
    — Surveille la maison et ne laisse personne entrer, ordonna-t-elle à Agnes, qui, debout près de la table, écarquillait des yeux ronds. Peu importe si ceux qui se présentent sont à l'article de la mort. Et dis à Wuf

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