Le livre du cercle
rendant.
Le
capitaine baissa les yeux un instant, puis fixa de nouveau le commandeur.
— Les
Hospitaliers sont des Francs, répondit-il calmement. Baybars avait davantage de
raisons de les tuer qu’il n’en a pour nous.
Sur
l’estrade, l’un des chevaliers se leva.
— Vous
révélez enfin votre vrai visage, capitaine ! Vos hommes et vous combattez pour
le même Dieu que nous, mais j’ai l’impression que quand II a attribué le
courage, Il avait déjà épuisé ses réserves en arrivant aux Syriens !
— Paix,
frère ! ordonna le commandeur.
Le
visage du capitaine s’était empourpré et plusieurs de ses officiers avaient
bondi sur leurs pieds.
— Asseyez-vous
! hurla-t-il au chevalier qui venait de s’épancher avec tant d’acrimonie. Les
insultes ne nous avancent à rien, elles nous font perdre du temps. Nous
chamailler comme des enfants ne mènera à rien !
Il
attendit que le calme soit revenu avant de se tourner de nouveau vers le
capitaine.
— Sans
vos forces, tout espoir est fini : nous ne pourrons pas repousser un nouvel
assaut. Safed est trop grand pour être protégé efficacement par une poignée
d’hommes, aussi vaillants soient-ils. Ensemble, nous sommes forts. Mais si
Baybars réussit à nous diviser, la ville tombera. Il nous reste beaucoup de
vivres, nous pouvons encore tenir le siège pendant des mois. Il nous suffit
d’avoir la foi et Dieu nous donnera la victoire.
Il
planta ses yeux dans ceux du capitaine.
— Je
vous parle en soldat du Christ, capitaine, parce que vous en êtes un aussi, et
je vous implore de rester à nos côtés contre les infidèles.
Le
capitaine syrien jeta un regard à ses hommes. Leurs yeux exprimaient tous la
même peur, le même doute qu’il ressentait lui-même. C’étaient de bons soldats,
mais ils ne possédaient pas le zèle des chevaliers francs. Et lui non plus.
Aveuglés par leur croisade, ces derniers étaient prêts à piétiner la Terre
sainte pour exterminer les infidèles. Et pourtant, ils se croyaient vertueux.
Ils étaient venus, tels des géants écrasant tout sur leur passage sans même le
remarquer. Leur cause leur paraissait si noble qu’ils ne voyaient pas les
décombres qu’ils laissaient derrière eux. Ils voyaient cette contrée comme la
terre de Dieu, mais pour lui c’était la terre de ses hommes, leur seule terre.
Chaque village ruiné, chaque homme, chaque femme et chaque enfant qui se faisait
tuer pour cette cause était une perte pour eux. Ils n’étaient pas des paysans
arriérés et sans volonté, ils n’avaient pas besoin que ces chevaliers étrangers
leur enseignent le meilleur moyen de servir Dieu, ni même leurs propres
intérêts. La décision leur appartenait.
Le
capitaine leva la tête.
— Je
ne peux accepter votre requête, commandeur. C’est trop risqué.
Le
commandeur secoua la tête de tous côtés tandis que l’agitation s’emparait de la
salle.
— Depuis
le début, vous vous battez à reculons ! cria un des chevaliers aux Syriens.
Même avant l’offre de Baybars, vous deveniez blêmes rien qu’à la perspective
d’une bataille.
— Le
capitaine a pris sa décision, répondit un des officiers syriens. Vous n’avez
pas le droit de la remettre en cause! Nous avez-vous convoqués ici pour
parlementer ou pour nous obliger à nous soumettre à votre volonté ?
— Baybars
n’est pas invincible^ ne soyez pas lâches !
— Nous
n’avons pas à rester ici et à écouter ces insultes, capitaine.
— C’est
ça, partez, hurla un sergent du Temple en oubliant sa position. Nous n’avons
pas besoin de bâtards dans votre genre !
Quelques
officiers syriens se levèrent en tirant leur épée. Un prêtre du Temple essaya
de se faire entendre par-dessus le vacarme qui ne faisait que s’accroître. Des
sergents s’étaient levés à leur tour en dégainant leurs propres armes et en
s’avançant vers les soldats indigènes. Le commandant leur hurlait de se
rasseoir, mais plus personne ne l’écoutait. Une bagarre éclata au fond de la
salle. Un sergent venait de frapper au visage un Syrien qui essayait de
s’éloigner des jeunes gens brandissant leur épée. Le soldat s’écroula au sol,
le nez ensanglanté. Trois de ses camarades bondirent et maîtrisèrent le sergent
qui lui avait assené le coup de poing.
James
se leva.
— Voilà
très exactement ce que Baybars espérait ! Il n’aurait pu espérer meilleure...
Mais
il ne finit pas sa phrase. Ses mots se perdaient au milieu de la
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