Le livre du cercle
livre. Tu n’es pas encore prêt pour
ça.
— Qu’ai-je
donc bien pu faire pour mériter votre mépris ? Vous ai-je jamais trompé ? Si
c’est le cas, dites-le-moi et je m’amenderai. Tout ce que j’ai jamais voulu,
c’est être un chevalier du Temple pour pouvoir combattre près de mon père.
Pourquoi voulez-vous m’en empêcher? Je ne comprends pas. Qu’avez-vous à y
gagner?
Everard
observait Will en silence.
— J’ai
toujours fait tout ce que vous m’avez demandé, continua Will d’une voix rauque,
en sentant des larmes perler au coin de ses yeux. J’ai balayé le sol de votre
chambre alors que vous auriez pu demander à des domestiques de le faire. J’ai
délivré des messages et je suis allé en chercher pour vous. J’ai traduit Dieu
sait combien de traités tous plus mal écrits, indéchiffrables et ennuyeux les
uns que les autres et...
Will
retourna la couverture du livre qu’Everard lisait à son arrivée.
— Comprendre
la curieuse nature de la pluie. Seigneur ! s’exclama-t-il en rejetant le livre
avec mépris.
— Et
comment as-tu accompli ces tâches ? cracha Everard. De bonne grâce? Sans te
plaindre ?
— Si
je me suis plaint, c’est parce qu’on devait m’apprendre à devenir chevalier.
Vous ne m’avez pas laissé d’autre choix que de devenir votre secrétaire.
C’était ça ou quitter le Temple. Pour autant, est-ce que je suis obligé d’aimer
ça ?
— Ah
! fit Everard lui enfonçant le doigt dans la poitrine. Donc, ce n’est dû qu’à
ta position d’infériorité par rapport à moi ? Et alors, comment ça se passait
avec ton ancien maître? As-tu toujours obéi au chevalier Owein ? L’as-tu
respecté ? N’as-tu jamais rien objecté à ses exigences ?
Will
détourna le regard.
— J’étais
jeune. J’ai changé.
Puis
il regarda Everard dans les yeux.
— Vous
savez que c’est vrai, insista-t-il.
— Ton
problème, c’est que tu te crois meilleur que les autres. Tu penses que tu es
trop bon pour balayer une chambre. Je l’ai su dès que j’ai posé les yeux sur
toi. C’est un petit coq hautain habitué à n’en faire qu’à sa tête, voilà ce que
je me suis dit !
— Ce
n’est pas vrai ! Ma mère était la fille d’un marchand et mon père a dû tout
sacrifier pour être admis au Temple. J’en suis fier. Quand je vivais avec ma
famille, je faisais tout ce qu’on me demandait sans rechigner.
— Mais
tu es fier, pourtant ! s’écria Everard. Tu es en colère parce que je te prive
d’initiation, c’est de l’amour-propre blessé.
— Non,
ce n’est pas...
— Tu
veux être chevalier pour t’élever. Tu détestes te sentir inférieur à tes amis.
— C’est
dur, oui, mais j’ai d’autres raisons de vouloir prononcer mes vœux. Je vous
l’ai dit, mon père...
— Ton
père ! Ton père ! s’exclama Everard en agitant les mains. Il n’est pas
là, mon garçon. Pourquoi souhaites-tu devenir chevalier ? Si ce n’est pas pour
ton père, et si ce n’est pas pour occuper la même position que tes amis?
Pourquoi souhaites-tu, toi, Will Campbell, devenir chevalier ?
Will
ne trouva rien à répondre et secoua la tête, dépité.
— Dans
ce cas, reprit Everard en retrouvant son calme, pourquoi devrais-je te
présenter à l’initiation ?
Dans
le silence pesant qui s’ensuivit, Will scruta la peau desséchée du visage
d’Everard. Il voulait voir son père, implorer son pardon et être de nouveau son
fils. Depuis la mort de sa sœur, il avait eu l’impression d’être coupé de sa
famille. Ces sept dernières années, la seule chose qui l’avait aidé à tenir le
coup était la pensée de rétablir ce lien tranché. S’il y parvenait, il croyait
sincèrement que tout reviendrait dans l’ordre. Il serait chevalier, comme son
père le désirait, et surtout il pourrait laisser le passé derrière lui,
recommencer à zéro, débarrassé de tous les péchés qu’il avait commis. Et le
seul obstacle sur sa route, c’était ce vieillard frêle et implacable en face de
lui.
Lentement,
Will se pencha pour ramasser la traduction qui traînait au sol. En se relevant,
il croisa le regard d’Everard.
— Si
vous ne me présentez pas, j’irai voir le visiteur et je lui demanderai de
m’envoyer à Safed.
Will
était lui-même surpris de la détermination avec laquelle il avait prononcé ces
mots.
— Je
lui dirai que je veux combattre les Sarrasins, que je veux prendre la Croix,
pour Dieu et pour la Chrétienté. Il y a toujours
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