Le livre du cercle
besoin d’hommes là-bas. Si
vous refusez que j’y aille en chevalier, alors j’irai en sergent.
— Ne
sois pas ridicule ! dit Everard avec une pointe de dédain.
Mais
Will partait déjà. Il quitta la chambre en claquant la porte si fort que le
chambranle se fendilla.
Chapitre 20
Safed, royaume de
Jérusalem
21 juillet 1266 après
J.-C.
James
observait les soldats entrer à la file dans la Grande Salle. Ses yeux se
posèrent sur le capitaine syrien à la tête du groupe et il comprit qu’ils
allaient avoir des problèmes. Le visage du capitaine exprimait gravité et
résolution. Sans regarder aucun des trente chevaliers assis sur l’estrade, il
prit l’un des sièges disposés en face, suivi par ses officiers. Quinze sergents
du Temple et quatre prêtres étaient assis en rang sur un côté de la chambre.
Les soldats syriens prirent les places vides autour d’eux. James se tourna vers
Mattius, qui se trouvait à côté de lui. Le chevalier leva un sourcil comme pour
souligner l’intérêt de ce qui allait suivre. James entendit le commandeur
soupirer et il tourna la tête de l’autre côté.
Comme
le commandeur l’avait prédit, la promesse de Baybars d’amnistier les soldats
syriens avait provoqué des remous parmi les troupes. Quand la nouvelle s’était
répandue dans tout le camp, la veille au matin, le commandeur avait décidé de
convoquer un conseil pour apaiser la situation. Mais la réunion s’était mal
déroulée et ils avaient dû l’ajourner : la discussion s’était peu à peu envenimée
et menaçait de tourner à l’échauffourée. James savait qu’il leur fallait
davantage de temps. Les soldats étaient encore sous le coup du dernier assaut
des Mamelouks, et il ne fallait pas leur demander de réfléchir calmement, mais
dès le lendemain, à l’aube, Baybars exigerait qu’on réponde à son offre. Cette
deuxième réunion était leur dernière chance, les chevaliers devaient absolument
convaincre les Syriens de rester et de combattre avec eux.
Quand
tout le monde fut installé, le commandeur se leva. Son visage était rongé par
l’inquiétude, ses yeux étaient enfoncés dans leurs orbites et son bronzage ne
parvenait pas à dissimuler la pâleur de ses joues. Néanmoins, il lança un
regard inflexible quand il s’adressa au capitaine syrien.
— Capitaine,
espérons que le sommeil nous aura permis de reprendre nos esprits et que nous
saurons modérer nos propos.
Il
balaya le reste de la compagnie d’un regard austère.
— Je
suggère que nous parlions avec nos têtes plutôt qu’avec nos cœurs.
— Personne
ne cherche querelle, commandeur, répondit le capitaine. Je désire seulement
prendre la meilleure décision pour mes hommes.
— Et
moi pour les miens.
Le
silence tomba, épais et lourd comme un linceul. Le commandeur se rassit.
— Capitaine,
peut-être devriez-vous commencer par nous expliquer pourquoi vous pensez qu’il
est préférable pour vous d’accepter la proposition de Baybars.
— Très
bien, dit le capitaine après avoir réfléchi quelques instants. Comme je l’ai
dit hier, accepter les termes de la reddition que nous propose Baybars est le
meilleur moyen pour nous de survivre. Si Safed tombe, nous risquons la mort ou
la captivité. J’ai seize cents hommes ici. Je ne veux pas les voir se faire
massacrer alors que j’ai l’opportunité de les sauver.
Le
commandeur leva la main pour faire taire les murmures qui commençaient à
s’élever dans les rangs des chevaliers et des troupes syriennes.
— Qu’est-ce
qui vous fait croire que Baybars tiendra parole ? Vous l’avez dit vous-même, il
n’a pas un sens de l’honneur aussi développé que celui de Saladin. Comment
pouvez-vous être certain qu’il ne vous tuera pas tous dès que vous aurez quitté
la forteresse ?
— Je
vous ai également dit, commandeur, que j’avais étudié les stratégies
habituelles du sultan. Il n’extermine que ceux qui le menacent ou qui le
défient. Une fois sortis de la forteresse, nous ne constituerons plus un danger
pour lui. Et il est déjà arrivé que des troupes se rendent à lui, il a toujours
tenu parole. Si nous n’acceptons pas son offre, notre méfiance le rendra fou de
rage. Je ne pense pas que nous aurons une seconde chance.
— Ça
ne s’est pas passé de cette manière à Arsouf, plaida le commandeur. Baybars a
rompu sa promesse. Il a massacré deux cents Hospitaliers qui croyaient, tout
comme vous, se sauver en se
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