Le livre du cercle
ville ! répéta le commandeur en
jetant un regard noir au chevalier.
— Mais
si un ou deux d’entre nous réussissaient à passer sans se faire remarquer,
poursuivit le chevalier, ils pourraient se rendre en Acre et transmettre un
message au grand maître Bérard, pour qu’il nous envoie des renforts.
— Il
lui faudrait plusieurs semaines pour rassembler ne serait-ce qu’un millier
d’hommes, répondit le commandeur. Et même s’il le pouvait, ils devraient
franchir l’armée sarrasine avant d’arriver jusqu’à nous.
Le
silence tomba soudain. Chacun était perdu dans ses propres pensées.
— Il
me semble, dit finalement James d’une voix grave qui parut flotter dans la
nuit, que nous n’avons que deux options.
Le
commandeur, les chevaliers et les sergents se tournèrent tous vers lui.
— Soit
nous restons ici pour livrer une bataille que nous savons perdue, soit nous
négocions notre reddition.
James
regarda le camp mamelouk qui s’étendait aux pieds de Safed, illuminé par des
centaines de torches et de feux.
— Je
n’ai pas peur de la mort, commandeur, mais je ne me sens pas prêt non plus à me
languir au Paradis alors qu’il y a tant à faire en ce bas monde.
Safed, royaume de
Jérusalem,
22 juillet 1266
après J.-C.
Le
commandeur refusa pendant un bon moment d’envisager la capitulation. La
trahison des Syriens l’avait profondément affecté et avait encore accru son
obstination à défendre Safed, mais la majorité des chevaliers était d’accord
avec James. Et quand l’aube fut venue et qu’ils déplorèrent le départ de plus
de mille deux cents Syriens, il se laissa fléchir. James se porta volontaire
pour aller au camp négocier les termes de la reddition des Templiers. Cette
idée déplaisait fortement au commandeur, mais comme il était dans l’incapacité
de trouver un autre moyen de parlementer avec les Mamelouks, il dut plier.
Après
les primes, James s’engagea dans le large passage menant à la poterne à flanc
de colline. Son cheval était sellé et le palefrenier le guidait à travers le
terrain obscur et accidenté du tunnel. Le commandeur et deux chevaliers l’accompagnaient.
— Es-tu
bien certain de vouloir y aller, frère? demanda une fois de plus le commandeur.
Ils pourraient très bien t’abattre en te voyant approcher.
— J’espère
simplement que je me souviendrai du mot arabe pour reddition, répondit James
avec légèreté en choisissant d’ignorer la pointe d’appréhension perceptible
dans sa voix.
— Tu
n’en auras pas besoin, lança une voix derrière eux.
James
et le commandeur se tournèrent. Mattius arrivait en courant à toute hâte. Avec
lui se trouvait un Syrien petit et squelettique, avec un nez crochu, une petite
moustache et une barbe.
— Voici
Léo, haleta Mattius en présentant le Syrien. Il ira à ta place.
James
secoua la tête en étudiant le soldat. Il se demanda si Mattius l’avait payé
pour accomplir cette mission ou s’il s’était porté volontaire.
— J’ai
pris ma décision, Mattius.
— Et
moi la mienne. Je ne veux pas passer les prochains jours à regarder ta tête
rôtir au soleil au bout d’une pique. C’est beaucoup plus sûr comme ça. Léo est
peut-être un indigène, mais sa loyauté ne peut être remise en question.
N’est-ce pas, Léo ? dit-il en assenant une tape sonore dans le dos du soldat.
— Oui,
maître, affirma le Syrien d’une voix étonnamment profonde pour un homme
d’allure aussi chétive. Je désapprouve la décision qu’ont prise mes camarades
et je suis reconnaissant pour cette opportunité qui m’est donnée de les
racheter.
James
ouvrit la bouche pour protester mais le commandeur l’en empêcha.
— Ainsi
soit-il. Je ne veux pas perdre un de mes meilleurs hommes si je peux l’éviter.
L’arrangement
était conclu. Léo monta le cheval de James et quitta Safed avec le rouleau
détaillant l’offre des chevaliers. James, Mattius et le commandeur sortirent du
passage. Ils se dirigèrent vers les remparts pour observer son entrée dans le
camp, mais le temps qu’ils arrivent en haut, les chevaliers de garde leur
apprirent que Léo était arrivé et qu’on l’avait déjà mené au pavillon du
sultan. Il n’y avait plus rien d’autre à faire qu’attendre.
James
contempla la colline pendant que les minutes s’égrenaient. Le commandeur
faisait les cent pas le long du chemin de ronde et Mattius tambourinait avec
ses doigts sur le parapet. Presque
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