Le livre du cercle
clameur
générale.
—
Silence!
Mattius
avait poussé un véritable rugissement. Sa voix se répercuta d’un bout à l’autre
de la salle et interrompit immédiatement les cris et les bagarres en cours.
Tous les yeux se tournèrent vers lui. Son visage était écarlate et ses yeux
semblaient lancer des flammes. Il se tourna vers James.
— Je
t’en prie, continue, dit-il posément dans le calme revenu.
James
eut un léger sourire.
— Merci,
Mattius.
Puis
il se tourna vers le capitaine syrien.
— Si
Baybars a fait cette offre, c’est parce qu’il sait très bien qu’il ne peut pas
prendre Safed par les armes. Capitaine, je comprends les obligations que vous
avez vis-à-vis de vos hommes. Mais si vous acceptez, vous jouez le jeu de
Baybars. Le sultan cherche le chemin le plus rapide, le plus facile et le moins
cher vers la victoire. Nous sommes dans la saison chaude et ses hommes sont
las. Plus le siège dure, plus il lui est difficile de maintenir l’ordre dans
son armée. Si nous parvenons à repousser les prochains assauts, ses ressources
diminueront et il n’aura d’autre choix que de trouver une cible plus faible.
Il
jeta un coup d’œil au commandeur.
— Avec
la permission du commandeur, je propose que nous terminions ce conseil.
Le
commandeur hocha la tête avec une lassitude évidente et James s’approcha du
capitaine.
— Je
suggère que vous vous retiriez avec vos hommes pour discuter de cette perspective,
capitaine. Ensuite, vous reviendrez tout seul voir le commandeur pour finir la
discussion. Prenez votre décision et nous la respecterons. Seulement, ne la
prenez pas à la hâte, quand toutes les têtes sont échauffées.
Quelques
Syriens exclamèrent leur désaccord mais le capitaine inclina la tête.
— Je
vous rencontrerai seul à seul, commandeur, comme le demande votre chevalier.
Mais je ne crois pas qu’un délai supplémentaire nous fera changer d’avis.
Tandis
que les soldats syriens quittaient l’assemblée, les sergents leur jetaient des
regards noirs en murmurant entre eux. James se rassit.
— J’espère
que je ne vous ai pas paru présomptueux, dit-il au commandeur.
Celui-ci
lui sourit brièvement.
— Tu
as parlé comme il fallait, frère. Il nous reste peut-être une opportunité de
retourner la situation. Si je vois le capitaine en privé, je pense avoir une
chance de le convaincre.
Il
se leva.
— Je
veux que tous ceux qui ont participé à la bagarre soient sanctionnés. Je ne
tolérerai pas un tel comportement, quelles que soient les circonstances. Nous
sommes des hommes de Dieu, pas de vulgaires mercenaires, ajouta-t-il d’une voix
glaciale en regardant les sergents qui avaient provoqué les Syriens.
James
était si fatigué que c’est avec soulagement qu’il défit son manteau et sa cotte
de mailles ce soir-là avant de s’écrouler sur sa paillasse. Il s’était baigné
et ses cheveux encore humides lui rafraîchissaient la tête. Un rayon de lumière
orange filtra par la fente qui faisait office de fenêtre, nimbant le dortoir d’une
douce clarté. Dehors, le soleil était une mandarine dorée. Du camp Mamelouk lui
parvenait, évanescente et diffuse, la scansion des prières. Il repoussa sa
couverture en remerciant la légère brise qui venait caresser sa poitrine
dénudée.
D’ordinaire,
la chaleur était si sèche qu’elle en paraissait presque solide. Mais ce soir,
il y avait un peu d’humidité. C’était une température idéale pour s’affaler et
se délasser. James se demanda s’il allait pleuvoir. Cela faisait longtemps
qu’il n’avait pas vu la pluie. Il ferma les yeux et repensa à l’eau vive des
rivières d’Écosse, à leurs flots bouillonnants sur les rochers bruns et sur
l’herbe si douce, aux lochs sombres et couverts de brume. Il revit Isabel
patauger dans le courant en relevant ses jupons, son petit visage hilare qui
s’éclairait tandis qu’elle regardait l’eau courir autour de ses jambes nues. La
lumière du soleil jouait sa partition de reflets sur les cheveux de sa femme
quand celle-ci se tourna vers lui en lui faisant signe.
— James
!
James
se réveilla et vit que le dortoir était maintenant plongé dans une
semi-pénombre. La lune avait remplacé le soleil. Mattius était penché au-dessus
de lui. En voyant le visage inquiet du chevalier, il reprit immédiatement ses
esprits.
— Qu’est-ce
qui se passe ? demanda-t-il en s’asseyant au bord de sa paillasse.
— Ils
partent, grogna Mattius
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