Le livre du cercle
d’une voix calme. On ne fait les prières
que par précaution.
— Maître,
souffla l’un d’entre eux, mes camarades et moi, nous nous demandions comment
nous irions en Acre sans chevaux ni provisions.
— Ça
ne doit pas faire plus de dix lieues et nous avons de l’eau, répondit le
chevalier en tapotant la gourde accrochée à sa ceinture et en leur souriant. Le
reste, nous pouvons nous en passer.
Les
sergents hochèrent la tête et se détendirent un peu. Les prêtres venaient d’achever
leurs prières.
— Amen,
fit James avec le reste des hommes.
Le
commandeur vint se placer face aux rangées de chevaliers et de sergents.
— Soyez
forts et gardez la tête haute quand nous rejoindrons l’ennemi. Montrez-lui que
les guerriers du Christ ne s’inclinent que devant Dieu lui-même. Regardez-les,
observez ces chiens qui veulent détruire notre propriété et gardez espoir. Car
nous reviendrons un jour, et cette fois nous aurons derrière nous toute la
puissance de notre Ordre : nous vengerons notre défaite. Vous avez la foi pour
vous consoler et vous saurez trouver en vous le courage.
Ses
yeux s’attardèrent un moment sur la forteresse.
— Allons-y
!
Les
gardes syriens se levèrent. Chevaliers, sergents et prêtres passèrent à la file
sous l’arche de la barbacane avant de traverser le pont. James et Mattius
marchaient immédiatement derrière le commandeur. Au pied de la colline, une
armée les attendait.
Pendant
qu’ils descendaient vers le camp ennemi, les soldats mamelouks ne les
quittaient pas des yeux. Certains les huaient, d’autres les observaient en
silence, bras croisés. James avait l’impression de sentir le poids de leur
regard sur sa peau, l’excitation de toutes ces paires d’yeux était palpable.
Ils furent conduits à travers un dédale de tentes et de chariots, puis le
cortège s’arrêta au milieu d’un terrain dégagé. Des soldats en manteaux dorés
les encerclaient. James reconnut la garde royale mamelouke, les fameux
guerriers bahrites. Parmi eux se trouvait un homme de grande taille, les
épaules carrées, avec des cheveux bruns grisonnants sur les tempes et les yeux
les plus glaçants que James eût jamais vus. Il croisa le regard de Baybars et
il lui sembla qu’un serpent froid s’enroulait autour de son cœur. Accroupi aux
pieds du sultan, un vieillard en robe miteuse scrutait les chevaliers avec un
air de convoitise.
Baybars
murmura quelques mots à un soldat qui se tenait à ses côtés, et celui-ci
s’avança d’un pas.
— Armes
à terre ! hurla-t-il dans un latin impeccable.
Le
commandeur fronça les sourcils avec surprise.
— Il
n’était pas stipulé que nous serions désarmés.
Mais
le soldat répéta son ordre. James jeta un coup d’œil au commandeur.
— Nous
devrions peut-être obéir. Mieux vaut que nous soyons relâchés au plus vite.
Le
commandeur donna l’impression de vouloir discuter cet argument, mais il se
ravisa et acquiesça d’un mouvement sec.
— Très
bien.
Il
dégaina son épée et la déposa lentement sur le sol.
Les
chevaliers et les sergents suivirent son exemple. Plusieurs gardes mamelouks
s’approchèrent et se mirent à collecter les armes. Baybars attendit que
l’opération soit finie puis il fit signe à un autre de ses soldats. Cette fois,
il prononça son ordre d’une voix assez forte pour que James puisse l’entendre.
— Envoyez
les hommes dans la forteresse. Je suppose que les chevaliers auront détruit
tout ce qui a de la valeur, mais fouillez quand même. Quand vous en aurez pris
le contrôle, tuez les Syriens qui ont refusé la main que je leur tendais.
Emmenez les femmes et les enfants.
James
était consterné par ce qu’il venait d’entendre.
— Vous
avez donné votre parole ! cria-t-il en arabe.
Baybars
se retourna. Ses yeux se posèrent sur James tandis que les soldats se
pressaient d’aller exécuter ses ordres.
— La
langue de mon peuple ne ressemble à rien quand tu l’utilises, chrétien, dit-il
au bout d’un moment. Tu n’es pas fait pour parler.
Le
commandeur regardait Baybars puis James à tour de rôle.
— Que
dit-il ?
— Il
nous a roulés, commandeur, lui répondit James.
Derrière
les guerriers bahrites surgirent des soldats portant des chaînes et des
menottes. Plusieurs chevaliers crièrent en les apercevant et portèrent
instinctivement leur main à leur ceinture, mais ils n’avaient plus aucun moyen
de se défendre. L’un des jeunes sergents commença
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