Le livre du cercle
Dehors
!
Le
sourire de Rook disparut. Il esquiva le coup de poing de Garin et attrapa le
chevalier à la gorge d’une poigne terrible.
— Je
te l’ai déjà dit, espèce de petit merdeux. N’essaie jamais de te battre avec
moi.
— Lâchez-le.
La
voix d’Adela était froide et autoritaire. Rook se tourna vers elle. Elle était
toujours nue et ne cherchait absolument pas à se couvrir.
— Toi,
la putain, pousse-toi de là, grogna-t-il en lui indiquant la porte d’un signe
de tête.
Garin
étouffait à cause de la pression sur sa trachée. Il attrapa la main de Rook et
essaya de lui faire lâcher prise. Adela s’approcha calmement de Rook, mais dans
ses yeux violets brillait une détermination sans faille.
— Je
n’irai nulle part, je suis ici chez moi. Quant à vous, vous n’avez rien à faire
dans cette chambre.
— Ce
taudis est à toi ? s’amusa Rook.
Adela
ne lui répondit pas. Elle se mit sur la pointe des pieds et tendit le cou pour
voir par-dessus son épaule.
— Fabien
! appela-t-elle.
— Laisse,
Adela, parvint à articuler Garin.
Quelques
instants plus tard, ils entendirent quelqu’un monter lourdement les escaliers
et traverser le couloir.
Sur
le seuil apparut un colosse aux épais sourcils noirs et au visage menaçant.
Rook parut légèrement surpris. Le regard du colosse passa de Rook à Garin avant
de se poser, interrogateur, sur Adela.
— Tu
es sûr ? demanda Adela à Garin.
Rook
relâcha lentement la gorge de Garin sans quitter des yeux l’homme à la stature
herculéenne. Garin reprit sa respiration avant d’acquiescer.
— Peux-tu
nous laisser seuls un moment ?
Adela
hésita un instant puis fit signe à Fabien qu’il pouvait s’en aller. Celui-ci
partit sans un mot. Sans se presser, Adela alla prendre sur le paravent en
osier une robe en soie rouge, puis l’enfila sans prêter attention aux regards vicieux
que lui jetait Rook. Des hommes comme lui, la profession qu’elle exerçait lui
avait donné l’occasion d’en croiser d’autres. Des sournois, des bestiaux qui ne
savaient communiquer qu’avec des insultes à la bouche et les poings serrés.
— Je
ne serai pas loin, dit-elle à Garin en traversant la pièce pour sortir.
Quand
elle fut partie, Rook se tourna vers Garin, qui profitait du calme revenu pour
se rhabiller.
— Cette
roulure a la langue bien pendue. Mais je suppose que tu es bien placé pour le
savoir, non ?
Garin
préféra ne pas répondre.
— De
toute façon, tu n’as pas respecté non plus les autres vœux que tu as prononcés
au Temple. Ça fait déjà un moment que tu en as fini avec la pauvreté et
l’obéissance, n’est-ce pas ? Ta chasteté ne pouvait durer éternellement, il
faut croire. Et, en plus, tu es tombé sur un morceau de choix. Enfin, quand
elle ne parle pas.
Il
jeta un coup d’œil en direction de la porte.
— Je
devrais bien l’essayer aussi, d’ailleurs.
— Tu
n’as pas le droit ! s’écria Garin.
Les
yeux de Rook se rétrécirent tandis qu’il scrutait le jeune homme. Au bout d’un
moment, il éclata de rire. C’était un rire ignoble, sans pitié.
— Oh,
mais tu en pinces pour elle, on dirait. Non ? Toi, un fier et puissant
Templier, amoureux d’une putain? Un guerrier du Christ qui en pince pour une
petite pute à deux sous ! C’est une bonne blague, une très bonne blague. Me
voilà de bonne humeur pour les prochains jours !
Chaque
parole qu’il prononçait meurtrissait Garin un peu plus.
— Comment
m’as-tu trouvé ? demanda-t-il, les dents serrées.
Rook
n’arrêtait pas de rire.
— Ta
prudence est stupéfiante. Je n’ai eu qu’à té suivre depuis la commanderie.
J’imagine qu’ils ne savent pas à quoi tu passes tes journées ?
— Qu’est-ce
que tu fais ici ? demanda Garin avant que Rook ne continue à le couvrir de
sarcasmes.
Rook
s’assit sur le matelas et enleva une de ses bottes, qui était maculée de boue,
puis il entreprit de masser son pied osseux et noir de crasse. Le temps ne
l’avait pas épargné. Bien qu’il n’ait que dix ans de plus que Garin, il
paraissait beaucoup plus vieux. Il inspecta la corne jaune sur son talon et se
mit à la gratter avec l’ongle de son majeur.
— Toi
et moi, nous avons du travail. Les affaires de notre maître nous appellent.
Il
leva les yeux vers le chevalier et lui jeta un sourire grimaçant. Il avait
encore perdu des dents depuis la dernière fois où Garin l’avait vu. Des rangées
de chicots bruns et jaunâtres
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