Le livre du cercle
parsemaient ses gencives ravagées.
— Tu
ne pensais tout de même pas qu’on t’avait oublié ?
Garin
ne répondit pas. Le simple fait d’avoir Rook en face de lui le rendait malade.
— Tu
te rappelles du livre dont tu as parlé à notre maître ? Celui qui a été volé ?
Mieux
valait jouer le jeu, décida Garin. Résister ne lui servirait à rien. Plus vite
il répondrait, plus vite sa torture prendrait fin.
— Oui,
et alors ?
— Nous
pensons savoir où il se trouve, l’informa Rook tout en délogeant une petite
saleté noirâtre d’entre ses orteils. Il y a un troubadour qui doit chanter à la
cour du roi. D’après ce que nous savons, il serait en sa possession. Je me suis
déjà renseigné. Il doit donner son spectacle à la Toussaint et apparemment, il
serait déjà là.
Rook
relâchait les saletés qu’il s’enlevait directement sur le matelas.
— Qu’est-ce
que tu sais sur Everard de Troyes ?
— Il
est prêtre à la commanderie. D’après ce que mon oncle m’a dit, il pourrait être
à la tête du cercle secret. Un de mes anciens camarades de Londres, Will
Campbell, est son apprenti.
Rook
fronça les sourcils.
— Est-ce
que ce Will Campbell est au courant pour l’Anima Templi, d’après toi ?
Garin
haussa les épaules avec indifférence.
— Comment
le saurais-je ?
Rook
lui jeta un regard de travers.
— Tu
ferais mieux de rester agréable avec moi, mon garçon, ou je ferai en sorte que
ta putain ne prenne aucun plaisir quand je la prendrai. J’ai entendu dire que
les dominicains essayent d’empêcher le troubadour de faire son spectacle.
D’après ma source, ils ont obtenu l’appui du Temple. Est-ce que tu as remarqué
des visiteurs inhabituels à la commanderie, ces dernières semaines ?
Garin
garda le silence quelques instants.
— Oui,
répondit-il finalement. J’ai vu un dominicain et un ancien camarade de mon
oncle, Hasan.
Rook
eut l’air ravi.
— On
dirait que ça correspond à ce que nous soupçonnions. Hasan était en rapport à la
fois avec ton oncle et avec le prêtre. Nous pensons qu’il est plus ou moins le
mercenaire du groupe.
Rook
remit sa botte et se leva.
— Notre
maître pense que le prêtre essaiera de récupérer le livre d’une manière ou
d’une autre. Nous allons le laisser faire le sale travail, et nous le lui
reprendrons.
— Comment
pouvez-vous être sûrs que le prêtre tentera de le voler ?
— Eh
bien, j’imagine que ça dépend si tu nous as dit ou non la vérité, fit Rook en
s’approchant de Garin. Si ce livre est précieux, il ne fait aucun doute qu’il
voudra remettre la main dessus. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous
devons le voler.
— Je
n’ai fait que répéter ce que mon oncle m’avait dit. Si c’était un mensonge, je
n’y peux rien. Et que se passera-t-il si ce sont les dominicains qui le
récupèrent ?
— Ce
ne serait pas forcément un mal, grogna Rook. Dérober quelque chose dans le
couvent des dominicains présenterait moins de difficultés que dans les coffres
du Temple. Nous verrons le moment venu. D’ici à la représentation, sois
attentif à ce qui se passe à la commanderie. Surveille le prêtre et son ami le
Sarrasin dans les jours qui viennent. S’ils prennent le livre au troubadour, ce
sera à toi de le leur voler.
— Et
vous, que faites-vous pendant ce temps-là? protesta Garin.
— Je
veillerai sur l’élue de ton cœur, répondit Rook avec un sourire vicieux. Comme
ça, je suis sûr que tu travailleras bien. Si tu y arrives, tu seras anobli.
Notre maître l’a promis. Et tu auras une autre récompense.
Il
glissa la main sous sa cape en toile grossière et en tira une bourse. Il la
leva afin que Garin puisse bien la voir.
— Trouve
le livre et tu t’enverras en l’air avec la pute pendant toute une année.
Il
remit la bourse sous sa cape et se dirigea vers la porte.
— Habille-toi.
Je vais demander à une de ces jolies filles en bas de me préparer quelque chose
à manger. Après, on reparlera plus en détail de notre plan.
Rook
sortit et se cogna contre Adela, qui attendait juste dehors. Dès qu’il fut
parti, elle entra dans la chambre.
— Qui
était-ce ?
L’embarras
fit monter le rouge aux joues de Garin. Il se rongea nerveusement les ongles,
puis récupéra le reste de ses vêtements sur le paravent. Il avait envie de
lacérer ses affaires en imaginant le cou de Rook à leur place. Il poussa un
juron de frustration et de rage.
— Chut...
tenta de
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